Soudan du Sud : 10 ans après, le pays n’a pu être à la hauteur de l’espoir suscité par l’indépendance

Le président Salva Kiir et son vice-président Riek Machar, lors de la signature de l’accord de paix en 2018.

26-7-2021 (AfrikMonde.com) C’est un sentiment de joie qui s’était dessiné sur les visages des Sud-Soudanais, le 9 juillet 2011, à l’annonce de l’indépendance du Soudan du Sud qui venait ainsi de se positionner comme le 54e pays d’Afrique et le 193e membre de l’ONU. Le Soudan, l’Afrique du Sud, l’Allemagne et Israël sont parmi les premiers à reconnaître le nouvel Etat et à établir des relations diplomatiques avec lui.

L’autodétermination de cette partie chrétienne du Soudan uni dont les ressortissants avaient fait de sa libération leur préoccupation majeure, couronnait ainsi plus de 55 ans de lutte pour l’indépendance. Les couleurs de cette velléité avait été annoncées en 1956, par une guerre civile juste après l’indépendance accordée par les Britanniques. Celle-ci aura duré 15 longues années.

Une seconde guerre va opposer, en 1983, le pouvoir de Khartoum et l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) sudiste de John Garang. Marquée par des combats meurtriers, cette guerre va durer jusqu’en 2002. A la clef, un cessez-le-feu, puis un accord de paix conclu en 2005 qui accorde une autonomie renforcée au Sud du pays et prévoit un référendum d’autodétermination en 2011.

Le résultat de cette concertation populaire est éloquent. 98,93% des suffrages exprimés sont en faveur d’un Etat séparé. C’est ce processus qui s’est achevé le 9 juillet 2011 avec la naissance du nouvel Etat. Très vite, les organisations internationales se déploient au secours du Soudan du Sud, afin de faciliter la transition.

Deux années seulement après son indépendance, le plus jeune Etat africain est secoué par une rivalité au sommet de l’Etat, entre le président Salva Kiir et son vice-président Riek Machar. Cette rivalité vire rapidement en une guerre tribale opposant les Kindas et les Nuers, respectivement alignés derrière le président et son vice-président.

Finalement, un accord de paix est signé en 2018 entre les deux frères ennemis. Cet accord contribue certes à faire taire les armes de part et d’autre des deux principaux belligérants de la guerre civile, mais de nombreuses régions du Soudan du Sud restent ravagées par des conflits localisés.

C’est le cas notamment dans l’État de l’Equatoria-Central, où la rébellion de l’ancien général Thomas Cyrillo, après avoir rejeté l’accord de paix, affronte depuis plus de deux ans les forces gouvernementales et celles de Riek Machar. Même décor dans les États du Jonglei et de Warrap particulièrement meurtris par l’insécurité marquée par des crimes de vengeance, tensions ethniques, vols de bétail et accaparement de terres.

Alors que le pays célébrait son dixième anniversaire, le 9 juillet dernier, le tableau des conséquences de huit années de conflits d’intérêt affichait plutôt 400 000 morts et 2 millions de déplacés dans ce pays qui compte un peu plus de 12 millions d’habitants. A cela, il convient d’ajouter les viols de femmes et le recrutement d’enfants comme soldats.

Au regard de ce triste tableau, il est clair que les 10 années d’indépendance n’ont finalement pas servi les populations du plus jeune Etat du monde. Plutôt que de leur servir des plans de développement, à travers des projets bénéfiques à tous, les dirigeants ont fait le choix d’enliser le Soudan du Sud dans un conflit sans fin, avec une note spéciale sur l’écart du fossé de la division entre les Kindas et les Nuers.

L’échec de cette décennie d’indépendance est d’autant plus patent, que le pays fait face à une grave crise humanitaire qui, bien entendu, fait déchanter tous ceux qui avait débordé d’optimisme et d’espoir au moment du vote pour l’autodétermination en 2011.

Abdoul Kader Soumahoro

AfrikMonde.com