Côte d’Ivoire/Djekanou : le village d’Abouakakro 2 ne veut plus d’orpailleurs chinois sur son sol

20-12-2021 (AfrikMonde.com) Le phénomène de l’orpaillage clandestin connait un boom en Côte d’Ivoire au cours de ces dernières années. Il s’en suit le plus souvent, de gros problèmes sociaux et d’impacts environnementaux, sans ignorer leur corollaire de vols de tous ordres. Le village d’Abouakakro 2, dans la sous-préfecture de Bonikro, département de Djekanou est frappé de plein fouet par un litige qui l’oppose à des Chinois vivement contestés par les populations.

DE QUOI S’AGIT-IL ? Nous nous sommes rendus dans cette localité et avons visité également les sites d’extraction en question, le 27 novembre dernier pour comprendre la situation. Il y a environ deux ans, en effet, l’entreprise chinoise  Hondji Mining CO.Ttd s’est vu céder par contrat, un des deux sites miniers de Sav’or-CI (Y3 et Y4) dont le dernier cité demeure le détenteur du permis d’exploitation. Voyons d’abord ce que disent les clauses dudit partenariat, seulement en son point enfreint  par les mis en cause et qui en sus a chatouillé le courroux des villageois:

Il s’agit entre autres, du point 5 inscrit au contrat qui prévoit ce qui suit :

«Toutes les taxes, impôts, obligations de Sav’or-CI envers les propriétaires terriens et la communauté, ainsi que les autres dépenses liées auxdits terrains sont à la charge de Fu Hong Jun, Directeur Général de Hondji Mining CO. Ttd. » Comme prescrit.

Le contrat en question, signé le 26 janvier 2019 après maintes discussions entre les deux entreprises représentées par Fu Hong Jun (Hondji Mining CO.Ttd) et Sawadogo Sayouba (Savor-CI) s’est  révélé être un contrat de dupe, à en croire les explications des tiers plaignants que sont Sawadogo Sayouba, Directeur général de Sav’or-CI et cosignataire du partenariat, Konan Kouassi Denis Chef, Agoh Emmanuel Président de la mutuelle des cadres, Kouassi Yao Hermann Président des jeunes, N’Guessan Adjoua Véronique, présidente des femmes et N’Guessan Messou Bonfils, propriétaire terrien. Lesquels plaignants ne sont plus en odeur de sainteté avec la partie Chinoise et n’en veulent plus sur leur terre.

Selon les villageois et l’entreprise détentrice des autorisations d’exploitation sur les sites Y3 et Y4 : à savoir, Savor-CI, il s’agit d’une part du non-respect des engagements pris, des fausses déclarations de production de minerais malgré l’impressionnante installation en place et d’autre part, le constat d’utilisation de produits chimiques interdits dans ce type d’exploitation (semi-artisanale), le déversement de résidus de tous ordres et des nombreux câbles électroniques qui jonchent les plantations environnantes qui vont mettre le feu aux poudres. Et le tout orchestré par d’effroyables détonations à n’en point finir.

Sur un site d’orpaillage dans la localité d’Abouakakakro 2, dans la sous-préfecture de Bonikro.

DES AUTORITÉS FORTEMENT SOUPÇONNÉES PAR LES VILLAGEOIS. Ces dénonciations expliquent certainement l’arrivée de la mission de contrôle effectuée sur le site Y3 par la brigade de répressions des infractions au code minier. Le contrôle a révélé des manquements graves au code minier, dont se seraient rendus coupables les chinois.

Il s’agit notamment d’un conteneur de 25 tonnes de nitrate d’ammonium découvert, (ndlr : le même produit chimique qui pour rappel avait causé la succession de deux explosions dans le port de Beyrouth, au Liban, le 4 août 2020, aux alentours de 18 h)

« Pour une exploitation semi-artisanale, la profondeur maximale est de 30 m. Alors que les Chinois sont à plus de 63m, avec des tunnels dans le sol. L’utilisation des explosifs, est strictement interdite par le code minier Ivoirien. Mais les Chinois le font même à midi. Au nom d’El hadj Sawadogo, le Directeur général de Sav’or-CI, nous présentons des excuses aux propriétaires terriens et aux populations d’Abouakakro-2 qui ont eu confiance en nous, en nous acceptant avant que l’État nous autorise », a réagi Barry Moussa, cogérant de la société Savor’CI.

Poursuivant, il a souligné que le non-respect des clauses du contrat a occasionné les tracasseries entre les Chinois et Sav’or-CI, pendant quatre mois. « La première déclaration des Chinois au terme de plusieurs mois c’est 810g. Cela a touché le patron et il a fait savoir qu’il ne saurait être de connivence avec ceux-ci pour voler les populations qui ont accepté de nous donner les parcelles. Au terme de près de deux ans de travail, les Chinois ont déclaré 6 Kg, alors qu’à l’Etat ils ont déclaré 44 Kg. Quelle incohérence ! On a demandé que la différence de grammage soit payée par les Chinois avant de reprendre le travail. Une mission diligentée sur le terrain a conclu que les Chinois doivent payer la différence de grammage aux villageois. Ceux-ci par contre ont estimé que c’est plutôt Savor’CI qui doit payer ce qu’ils doivent aux populations. Ils ont même claqué la porte en présence du Préfet et du Directeur des mines, alors qu’on leur proposait de payer de façon échelonnée ce qu’ils doivent », a déclaré Barry Moussa, cogérant de la société Savor’CI.

LE VILLAGE D’ABOUAKAKRO-2  NE VEUT PLUS   D’ORPAILLEURS CHINOIS SUR SON SOL. Fort de tout ce qui précède et suite à un courrier administratif qui a suspendu les activités de Hondji Mining CO Ttd, les responsables villageois et propriétaires terriens ne veulent plus voir d’orpailleurs chinois sur leur sol. Ce courrier référencé n°6903/MMPE/DGMG/DEMAC du 25 octobre 2021, adressé  au Directeur régional des Mines et de la Géologie de Yamoussoukro, a demandé l’arrêt définitif des travaux d’exploitation minière par la société chinoise, ainsi que le démantèlement de toute leur installation sur le site et La restitution de la parcelle Y03 à Savor’CI. D’autant plus que selon le code minier, un permis d’exploitation semi-artisanale ne saurait être cédé à autrui. Aussi, une amende de 5 millions a-t-elle été infligée à chacune des deux entreprises.

L’orpaillage menace dangereusement l’environnement à Abouakakakro 2.

Le Propriétaire terrien quant à lui, ne veut plus entendre parler de Chinois sur ses terres. « En apposant ma signature, je me suis dit que ma famille allait en bénéficier, le village gagnerait et le gouvernement gagnerait. Mais, en deux ans de parcours avec toutes les preuves à l’appui (…) moi je demande purement et simplement en tant que propriétaire que les Chinois quittent mes terres », martèle N’Guessan Messoum Kouassi Bonfils. Il comprend difficilement qu’une société comme celle des Chinois avec des matériels de pointe déclare seulement 6 kg en deux ans de travail, alors que du côté de Savor’CI tout se passe bien.

Puis, il s’est vivement insurgé contre ce qu’il qualifie de raillerie des Chinois qui risquent de compromettre l’avenir des enfants du village. « À qui profite donc la présence des Chinois, si le propriétaire terrien lui-même n’est pas en odeur de sainteté avec ses hôtes ? », s’est interrogé monsieur Messoum Kouassi Bonfils.

Agoh Emmanuel, président de la mutuelle d’Abouakakaro-2, est quant à lui, amer et ne comprend pas cette attitude des Chinois de toujours vouloir outrepasser les règles du jeu. « Notre cohabitation avec les Chinois devient assez difficile Des mains obscures sont en train de manigancer autre chose pour arracher le permis de Savor-Ci et le donner aux Chinois. Or nous on ne veut pas des Chinois. Ils ne nous ont vraiment rien apporté. Nous, nous sommes des acteurs de développement du village, moi en tant que président de la mutuelle de développement d’Abouakakro-2. Lui aussi en tant que propriétaire terrien, nous voulons le développement », a-t-il révélé, avant de regretter que la pose de tunnels sous la terre, dans les plantations. Mieux, il a regretté les  exploitants miniers qui, selon lui, étaient encore plus utiles au village qui, malheureusement, ont été chassés au profit des chinois.

Le président de la mutuelle de développement d’Abouakakakro-2 a ajouté que depuis le passage de N’guessan Kouadio Ernest, ingénieur principal des mines, officier de police judiciaire et Directeur de répressions des infractions au code minier au ministère des Mines et de la Géologie, les Chinois donnent l’impression de ne plus rien craindre, malgré les manquements graves dont ils sont coupables.

A juste titre, il a directement interpellé le ministre en charge des Mines, afin que quelques chose soit fait dans l’intérêt des populations d’Abouakakro-2. « On ne peut pas accepter que les Chinois viennent s’enrichir en volant le village et même le pays. Ils ont creusé des tunnels que personne ne peut fermer plus tard. Les chinois n’ont jamais employé un seul fils du village. Ils ont stocké 25 tonnes de nitrate d’ammoniac », a-t-il dénoncé.

Il n’a pas manqué de noter que les Chinois refusent les représentants du village dans leur entreprise, ce qui rend impossible le contrôle.   Nous avons écrit au ministre pour dénoncer cet état de fait. Ce qui amène les villageois à dire que les Chinois volent impunément le village, voire l’État de Côte d’ivoire.

QUE DIT LA PARTIE CHINOISE DE TOUTES CES ACCUSATIONS ? N’ayant pas pu entendre les travailleurs chinois de Hondji Mining CO Ttd, faute de possibilités de nous comprendre en l’absence d’un interprète, nous avons dû attendre quelques jours plus tard pour pouvoir entrer en contact par téléphone avec Konaté Hamed, l’interprète des Chinois. Il est intervenu au nom de ses mandataires, en ces termes : « Les documents pour montrer qu’il y a déphasage entre les déclarations ne sont pas fiables. Car, ceux qui vous les brandissent n’ont pas été capables de prouver sa source à l’équipe de la bridage minière. Tous ceux qui s’agitent ne sont que des personnes qui ont reçu de l’argent pour  faire partir les Chinois et permettre à Sav’or-ci de récupérer la parcelle », a avancé l’interprète.

Selon lui, il y a eu une expertise erronée de la part de l’entreprise chinoise qui a dû acheter de nouveaux matériels plus adaptés, en vue d‘améliorer le rendement. Toujours selon lui, c’est lorsque les nouveaux matériels étaient en phase de montage qu’il a été demandé à l’entreprise chinoise d’arrêter les travaux. En effet, la société s’est installée en 2019. Jusqu’en 2020, il n’y avait pas d’exploitation sur le site. « L’entreprise chinoise a payé le site à 200 millions Fcfa dont 120 millions Fcfa payés sur le champ.  Comme c’était en fin de contrat du permis, les 80 millions restants devraient être payés une fois le permis renouvelé.  Les gens de Savor sont allés falsifier un document portant une fausse signature du ministre pour venir donner aux Chinois et faire croire que le nouvel arrêté était sorti. C’est ainsi que les chinois ont payé la somme restante », a indiqué Konaté Hamed.

Pour lui, il ne fait l’ombre d’aucun doute que c’est Sav’or-Ci qui a monté les populations contre les Chinois, avec à la clef des déclarations fantaisistes. Sinon, il reconnait la majorité des villageois n’est pas contre la présence des Chinois qui en n’ont vraiment pas de problème avec les villageois.

« Il est question de 63 m que nous avons creusé. Ce n’est pas juste. Il y a des sociétés qui sont à 130 m de profondeur. Tout cela a été colmaté par Sav’or-CI. C’est à la suite du courrier du Directeur général des Mines demandant le déguerpissement des Chinois que la brigade minière est venue sur le site, pour ouvrir une enquête. Nous attendons leurs conclusions. La vérité finit toujours par triompher » a déclaré l’interprète de Fu Hong Jun, l’entreprise mise en cause.

Georges Hervé Kouakou, Correspondant

AfrikMonde.com