Présidentielle 2020/ En Côte d’Ivoire, le Rhdp dans une logique de la terre brulée [Contribution]

Abidjan, 20-07-2020 (AfrikMonde.com) Les temps d’incertitudes commencent dès à présent. L’accalmie observée durant les obsèques du Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly va rapidement laisser place à une lutte acharnée pour le contrôle de l’Etat les années à venir. Le régime Rhdp entend user de tous les moyens pour conserver le pouvoir d’Etat. Il n’est cependant pas acquis que l’opposition l’entende de cette oreille.

Deux sorties récentes fort remarquées de deux personnalités du pouvoir ou proche du pouvoir sont pleines d’enseignements. La première en date du 17 juillet est du ministre Sidi Tiémoko Touré de la Communications et des Médias, porte-parole du gouvernement. Il réagissait à la récente décision de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cadhp) intimant, aux autorités ivoiriennes, à travers son arrêt  du 16 juillet, de procéder avant toute élection à une réforme en profondeur de la Commission électorale indépendante (commission centrale comme commissions locales) pour la rendre moins déséquilibrée et plus conforme aux exigences démocratiques.

Dans la compréhension du porte-parole du gouvernement, la Cour panafricaine ne met pas en cause l’ossature actuelle de la Commission qui serait, selon lui, conforme à la loi et de tous les instruments juridiques internationaux dont la Côte d’Ivoire est signataire. Autrement dit, la Commission électorale indépendante (Cei) peut tranquillement continuer son travail jusqu’aux élections et avec les mêmes hommes. C’est-à-dire, les hommes du pouvoir.

La seconde est de Me Abdoulaye Ben Méité, coordonnateur du collège des avocats de l’Etat de Côte d’Ivoire ayant défendu ses intérêts à Arusha (Tanzanie) devant la Cadhp. L’avocat de l’Etat vient en soutien au porte-parole du gouvernement. Il a affirmé à travers une interview accordée à un confrère, le 18 juillet  2020 que l’opposition a été déboutée à Arusha de toutes ses prétentions et que « La Cei est légale et a pleinement le pouvoir d’organiser les élections ».

Voilà qui est clair. La position du régime d’Abidjan est donc connue. Il entend bien organiser envers et contre tous, la présidentielle et les élections suivantes à ses seules conditions et avec ses hommes à lui. Advienne que pourra ! Une position qui, à l’évidence ne sera pas sans conséquence sur la paix socio-politique en une Côte d’Ivoire déjà très fragilisée.

La seconde mèche du détonateur de crise risque d’être la volonté, de moins en moins voilée (le Secrétaire exécutif du Rhdp, Adama Bictogo a soutenu sur la chaîne francophone TV5 Monde que le candidat de son parti est désormais Alassane Ouattara), du Président Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat, en dépit de la Constitution et de son devoir régalien, en tant que Chef de l’Etat, de protection de la paix sociale. L’on s’attend à une déclaration publique du président du Rhdp, dans les prochains jours, pour justifier et expliquer cette décision qui contredit son engagement solennel devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès à la Fondation Félix Houphouët-Boigny de Yamoussoukro, le 06 mars dernier. Sur la validation de cette candidature, il n’y a aucun doute. L’affaissement des institutions nationales au profit du régime au pouvoir est le gage pour le Chef d’Etat de voir imposer tous ses desiderata. Le problème de cette candidature est d’ordre politique. Là aussi, le chef de fil du Rhdp ne semble pas avoir cure d’ouvrir la boîte de Pandore. La fin se justifiant en soi !

Les gouvernements étrangers, en particulier français et américains et toutes les personnalités au plan international qui avaient félicité le « désistement » de Ouattara pour la course à la présidentielle en sont pour leurs frais !Il est fort à parier que cette autre liberté prise avec la Constitution ouvrirait la voie à une crise politique, bien avant même la tenue des élections. L’opposition politique et les Organisation de la société civiles (Osc) se ligueraient tous contre un tel projet. Si la candidature de Ouattara n’est pas acceptée par tous ces acteurs majeurs de la société, qu’en sera-t-il quand, par une alchimie extraordinaire, la Cei conduite par le magistrat, Ibrahim Kuibiert Coulibaly désignerait celui-ci comme vainqueur de la présidentielle ?

A trois mois de l’élection, la sagesse recommande que tous les points de contentieux, notamment la composition contestée de la Cei, les prisonniers politiques et les exilés soient aplanis. Parce qu’un pays se construit dans la paix et la cohésion et non dans l’oppression de la majorité par un clan. Apparemment, la crise post-électorale et ses trois mille morts n’ont servi de leçon au régime d’Abidjan. Bien au contraire, c’est comme une sorte d’épouvantail qui sert à intimider tous les autres acteurs politiques.  Sûr de ce que toutes les armes et toutes les armées sont désormais du côté du Rhdp et ses dirigeants.

Théodore Sinzé  (Une correspondance particulière)