Edito: la dette, ce mal indispensable pour la croissance économique et le développement des pays

25-3-2024 (AfrikMonde.com) Du fait que des élections présidentielles se profilent à l’horizon 2025, une guéguerre de positionnement s’installe. Des bilans aux allures de procès anticipés, à l’encontre du gouvernement sortant, sont étirés sur la place publique, dans tous les sens, à tort ou à raison.

L’argent étant le nerf de la guerre, il n’est dès lors, point surprenant que la question cruciale des finances soit centrale à tous ces débats ; notamment celle relative à la dette. Il est, tout aussi simpliste, de taxer d’inconscient celui qui vivrait au-dessus de ses moyens ou de délinquant, cet État qui aurait une dette excédentaire!

Ainsi, par exemple, une famille qui contracte un prêt immobilier pour acheter une maison crée une dette. Aussi, l’État qui émet des obligations pour financer la construction d’un stade, crée comparativement une dette publique.

Ceci dit, des différents supports médiatiques, des clichés accusateurs alimentent plus la confusion entre l’endettement de l’Etat et celui des ménages, sachant à priori qu’aucun Etat ne peut exister sans dette.

S’il y a des similitudes, du fait que toutes deux soient par essence des engagements financiers contractés, ces deux types de dettes représentent en fin de compte, des sommes d’argent dues à des créanciers. Aussi, elles génèrent des intérêts que les débiteurs doivent s’acquitter.

En revanche, la différence se situe dans le fait que la dette publique est liée à l’Etat et concerne à la fois ses fonctions régaliennes et ses investissements, tandis que la dette des ménages relève plutôt des individus et concerne principalement leurs dépenses personnelles.

Il est évident que l’Etat est le sommet de la pyramide des collectivités que composent ses concitoyens. Néanmoins, affirmer que la logique d’un grand ensemble comme l’Etat, est identique à celle de ses éléments, individus qui le composent, est fondée sur un raisonnement erroné. Cet amalgame, insidieusement entretenu comme vérité incontestable, contient d’importantes erreurs de raisonnement sur le plan de l’analyse économique. Il dénature l’Etat et ignore l’essence particulière de ses missions.

La dette publique est le principal indicateur du poids de l’endettement de l’Etat. Il est important de ne pas la confondre avec le déficit budgétaire, qui se produit lorsque les revenus sont inférieurs à ceux des dépenses. La dette publique représente tous les prêts contractés par l’Etat sur les marchés financiers (obligations, bons du Trésor, etc.). L’évaluation de sa situation, au cœur de vives controverses politiques concernant la santé des finances publiques, est un défi complexe – en raison de plusieurs paramètres pris en compte, d’où les nombreuses critiques de détracteurs.

L’Etat n’est pas une famille et, selon John Maynard Keynes, le paradoxe de l’épargne est l’exemple le plus connu d’un tel sophisme: ce qui est considéré comme vertueux à l’échelle d’une personne, tel qu’épargner, ne l’est pas forcément à celle d’une nation. Une forte épargne équivaut à peu de consommation et, peu de consommation déprime l’activité économique. La faible demande perçue par les entreprises les pousse à réduire davantage leur production. Par conséquent, les logiques globales ne peuvent pas être limitées aux logiques spécifiques.

C’est la raison pour laquelle il est impossible d’imaginer la dynamique de la dette publique comme celle des foyers qui dépensent davantage que ce qu’ils gagnent. La dette publique, bien que liée à l’économie domestique ou à la moralité (l’irresponsabilité des dirigeants, entendons bonne gouvernance), est principalement du ressort politique.

Acteur économique à part entière, l’Etat est impliqué, avec des marges de manœuvre et des contraintes qui diffèrent de celles des autres acteurs économiques, tels que les entreprises et les ménages. L’Etat a la responsabilité de gérer et de conduire les politiques publiques, macroéconomies, dont la diversité, telle que les politiques fiscales, budgétaires, industrielles, de l’emploi, etc., dépeint un domaine d’intervention qui ne concerne pas les plans d’action limités des ménages et des entreprises.

Au demeurant, l’Etat joue un rôle crucial en déterminant sa marge de manœuvre, en stimulant l’économie et en réduisant sa charge fiscale réelle, qui est déterminée par le niveau de production nationale (PIB), contrairement aux ménages. Aucune famille n’a une telle capacité à agir sur sa dette ni à percevoir des taxes et des impôts pour augmenter ses revenus.

La dette publique permet donc à l’Etat de remplir ses missions uniques, telles que dépenser et redistribuer des fonds pour soutenir les cycles économiques et fournir des biens et services collectifs. C’est également une source d’enrichissement pour la société au travers des salaires, autres dépenses de l’Etat, qui profitent directement aux personnes concernées. La dette de l’Etat est également relativement moins lourde en raison des faibles coûts de financement. Elle dépend de facteurs tels que les taux d’intérêt, la croissance économique, l’inflation et le changement, qui diffèrent de la dynamique de la dette d’un ménage.

Il est souvent dit qu’un Etat ne rembourse jamais sa dette, étant lui qui établit les règles en vigueur et possédant en dernier recours le droit de battre monnaie. Pour continuer de recevoir de nouveaux prêts, il a juste besoin de maintenir son ratio d’endettement (dette nette/capitaux propres) constant au fil du temps, tandis qu’un ménage doit normalement se désendetter afin de pouvoir emprunter à nouveau.

L’Etat et les ménages ont des horizons différents. Le premier bénéficiant du caractère à long terme de l’institution et le second s’appuyant sur la loi de la monnaie, dont l’émission dépend dudit Etat.

L’amalgame entre l’Etat et les ménages n’est pas anodin, mais reflète plutôt l’approche néoclassique de l’économie. Selon cette tendance, la société existe uniquement à partir d’individus autonomes et toutes les actions économiques sont guidées par ses choix rationnels. Ce courant soulève également des préoccupations éthiques, dans la mesure où l’Etat est perçu plus dépensier, justifiant du coup la réduction des dépenses publiques, d’où la notion de dépolitisation de la politique de Frédéric Lebaron.

Comparaison n’est certes pas raison, mais, selon les estimations de la Banque Mondiale, la dette extérieure de la Côte d’Ivoire avoisinerait les 60% du PIB en 2024 avec une projection de 2 347,7 milliards XOF que cumuleraient les emprunts, les dons et autres. Cependant, le Soudan avec un score de 209,9% en 2021, est le plus endetté en Afrique. Au niveau planétaire, les Etats Unis à 120% avec une dette extérieure abyssale de 19 920 950 000 000 XOF ($32.900 milliards) caracole seul en tête des pays les plus endettés; alors que le pays de l’oncle Sam est la première économie mondiale. Aucun pays ne peut atteindre un certain niveau de développement sans passer par la dette.

Félicitations donc à la Côte d’Ivoire qui a su se rendre et se maintenir crédible auprès des grandes institutions financières et bénéficier entre autres de l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés) du FMI (Fonds Monétaire International).

Le sentier de la croissance, voire du développement, est long et tortueux. Il passe inévitablement par un climat de paix et de stabilité.

Kakou NDA

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