1er-5-2024 (AfrikMonde.com) Le lundi 07 mars 2024, dans un article publié sur son site internet, Jeune Afrique (JA) affirmait que « La Côte d’Ivoire, le Sénégal et l’Éthiopie se partagent le podium des pays africains où la vie coûte le plus cher sur le continent, d’après les derniers chiffres publiés en février sur la base de données en ligne Numbeo ».
Dans une note rendue publique, le mercredi 1er mai 2024, le Ministère du Commerce et de l’Industrie prend le contre-pied des données Numbeo et précise que cet indicateur ne reflète pas le coût de la vie en Côte d’Ivoire. Selon cette note, en effet, il est à noter que plusieurs indicateurs sont utilisés pour comparer le coût de la vie d’une date à une autre (indicateur temporel) ou d’un espace géographique à un autre (indicateur spatial).
Les indices temporels du coût de la vie généralement utilisés sont les indices statistiques synthétiques (Laspeyres, Paasche, Fisher) permettant d’évaluer l’évolution du coût de la vie d’un pays d’une année à une autre. Par ailleurs, les indices en parité de pouvoir d’achat sont couramment utilisés pour rendre compte de l’évolution du coût de la vie d’un pays à un autre ou d’une région à une autre.
D’autres indicateurs psychologiques du coût de la vie sont élaborés à partir d’enquêtes d’opinions (indice de confiance par exemple).
Il convient de relever que l’indice du coût de la vie présenté par Jeune Afrique dans son article, objet de la présente note, se fonde sur les résultats de l’étude menée à partir des données de Numbeo qu’il qualifie de plus grande base de données au monde sur les villes et les pays du monde, alimentée par les utilisateurs. Numbeo fournit des informations sur les conditions de vie dans le monde, comprenant le coût de la vie, les indicateurs de logement, les soins de santé, le trafic, la criminalité et la pollution.
L’indice du coût de la vie est calculé en référence au coût de la vie à New York fixé à 100%. Ainsi, un pays ayant un indice égal à 120, signifierait que le coût de la vie dans ce pays est de 20% plus cher que le coût de la vie à New-York. Ainsi, le panier de biens utilisé pour le calcul de cet indicateur ne rend pas compte des habitudes de consommation des Ivoiriens, mais met plutôt en exergue celles d’un Américain vivant à New-York.
D’un point de vue méthodologique, en ce qui concerne les sources de données, le processus de collecte de données de Numbeo se nourrit de données utilisateurs et de données provenant de sites Web de supermarchés, de compagnies de taxi et d’institutions gouvernementales. Les données collectées manuellement à partir de chaque site sont saisies deux fois par an et reçoivent un poids trois fois supérieur à celui généré par l’utilisateur afin d’améliorer la fiabilité des données.
En ce qui concerne le calcul de l’indice, pour compiler les données d’un pays, Numbeo utilise toutes les entrées (de toutes les villes) pour calculer les données moyennes pour ce pays. Par conséquent, lors du calcul des données au niveau national, il pondère chaque ville en fonction du nombre de contributeurs.
Il importe de relever que les indices du coût de la vie généralement utilisés font référence au panier de biens de consommation de l’individu médian (ou moyen). Cependant, l’indicateur de Numbeo se concentre sur l’avant dernier et le dernier décile (20% de la population les plus riches), avec un panier composé des repas au restaurant, de biens importés (lait, pain blanc frais, filet de poulet, fromage, etc.), de transport (billet aller simple, prix essence), utilitaires mensuels (forfait pour téléphone portable, internet, climatiseur), sports et loisirs (club de remise en forme, location de cours de tennis, cinéma, sortie internationale), garde d’enfants, vêtements et chaussures, location d’appartement, salaires et financement. Cet indicateur ne reflète pas le coût de la vie en Côte d’Ivoire, mais plutôt le coût de la vie qu’aurait un habitant de New-York s’il vivait en Côte d’Ivoire (Abidjan ou Bouaké étant les villes concernées par la collecte de données).
La composition du panier de Numbeo reste certes standard pour tous les pays, mais les habitudes de consommation diffèrent d’un expatrié et ne peuvent être comparées à celles de la classe moyenne en Côte d’Ivoire. De plus, la collecte des données via les sites internet donne à s’interroger sur la fiabilité et la complétude des données, ce qui pourrait engendrer un biais informationnel et remettre en cause la pertinence d’un tel indicateur pour les comparaisons internationales.
Du point de vue de l’interprétation, il convient tout de même de noter que, sur la base de l’indicateur élaboré, la Côte d’Ivoire est classée au 64ème rang mondial, avec un indicateur de 44,4 montrant qu’un expatrié a un coût de la vie en moyenne de 55,6% inférieur à celui des Etats-Unis.
D’autres indicateurs similaires sont élaborés pour comparer le coût de la vie ou la qualité de vie des pays en référence à celui de la France. Il s’agit, par exemple, de l’indicateur du coût de la vie présenté par le site DonnéesMondiales.com prenant comme base le coût de la vie en France en 2022 et 2023 avec un indice de 100. La Côte d’Ivoire apparaît au 62ème rang mondial avec un indicateur de 44,8 (coût de la vie en moyenne de 55,2% inférieur à celui de la France), derrière le Gabon (45ème), le Nigéria (51ème), le Cap-Vert (52ème), la République du Congo (53ème), l’Afrique du Sud (54ème), l’Ile Maurice (56ème), le Maroc (59ème), le Sénégal (61ème).
En définitive, le coût de la vie est régulièrement calculé à l’aide de paniers de produits à peu près représentatifs. Cependant, de nombreux facteurs entrent en ligne de compte dans ces calculs et ne supportent pas une comparaison mondiale. Ainsi, les logements typiques d’un pays sont rarement de taille comparable. Les comparaisons de ce type sont donc à prendre avec précaution.
En tout état de cause, les indices statistiques de prix en parité de pouvoir d’achat restent statistiquement et économiquement les plus pertinents pour les comparaisons internationales du coût de la vie.
A M
AfrikMonde.com