Edito/Dans l’enquête sur l’impact du VIH/Sida en Côte d’Ivoire, qu’est-ce qui choque : l’enquête ou l’impact ?

12-8-2024 (AfrikMonde.com) L’Etat ivoirien à travers l’enquête CIPHIA, lancée ce 19 juillet, avec les résultats attendus en janvier 2025, cherche à cerner une recrudescence du VIH/Sida chez les 15 et 25 ans. Le nombre de décès dus à ce vieux fléau, en chute de 70% en cette dernière décennie, subit une nette augmentation de près 40 % des nouveaux cas enregistrés.

Pandémie pour certains ou épidémie pour bien d’autres, sa réapparition galopante dans cette frange de la population, principalement transmise par contact sexuel non protégé, dénote deux choses : un comportement malsain et une mauvaise sensibilisation.

Du moment où dès 1981, depuis 43 ans déjà, l’un des principaux événements a été l’identification aux Etats-Unis, de ce mal qui affaiblit considérablement le système immunitaire, rendant le corps vulnérable à de nombreuses infections opportunistes, sa réapparition en hausse en 2024, traduit une gestion pauvre de la communication du ministère ivoirien de la Santé.

L’un entraînant l’autre, le manque adéquat d’informations en continu sur la gravité de cette maladie, n’a aucune incidence sur les vilaines pratiques sexuelles chez des jeunes en quête de découverte. Si les séquelles de cette maladie étaient immédiates, brusques et visibles, la prudence allait être de mise. Cette augmentation de plus de 40% d’infortunés le confirme.

Pour de nombreux parents, cette enquête a un parfum de médecin après la mort. Ils s’indignent de cette recherche de vérité par l’audition de témoins et l’accumulation d’informations alors que ce travail a déjà été abattu, il y a plus d’une quarantaine d’années.

La question d’impact, ou conséquences environnementales, sociales ou économiques, particulièrement en ce qui concerne leurs effets négatifs, a tout aussi un relent de bis repetita. L’Etat ivoirien devrait savoir que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Ainsi, enquêter sur quelque chose de su, fait de lui, le pyromane qui veut éteindre le feu.

« Tout sera fait selon les normes. La confidentialité, mais également les mesures seront prises pour vous prendre en charge. Aujourd’hui, le sida ne tue plus comme avant, il suffit de respecter les consignes et je pense qu’il vaut mieux savoir que de mourir dans l’ignorance », semble rassurer monsieur Pierre Dimba, ministre de la Santé.

Il serait donc mieux de savoir que de mourir par ignorance… Les statistiques du pays qui accablent la classe dirigeante, apparemment ignorante sur cette question sidéenne, sont effarants. Pourtant, l’éradication du VIH tient d’un effort concerté et continu de la part de tous sous l’égide du ministère de la Santé. Il est essentiel de continuer à sensibiliser, à réduire les obstacles à l’accès aux services et à enseigner des comportements sexuels sains face à ce mal qui sévit en silence.

Malheureusement, la prévalence nationale du VIH de 3,4%, classe la Côte d’Ivoire parmi les pays les plus touchés d’Afrique de l’Ouest. Sur le continent, nous avons affaire à la plus forte population de LGBT (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et autres). Les femmes, disproportionnellement affectées par le VIH, ont un taux de prévalence presque deux fois plus élevé que celui des hommes. 354 000 femmes enceintes ont reçu une aide pour prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant.

En 2023, 256 000 personnes ont eu accès à un traitement antirétroviral. Plus de 1,2 million de personnes ont été testées et conseillées pour le VIH. Plus de 237 000 orphelins et enfants vulnérables ont bénéficié d’un ensemble de services de soins et de soutien. Parallèlement, en mai de cette même année, l’association Gromo a organisé pour la troisième année consécutive à Abidjan, un festival destiné à la communauté LGBT. Son lancement de Meleagbo, premier magazine d’Afrique de l’ouest francophone de l’ensemble des genres et divergents sexuels, se veut pionnier en Afrique.

La Côte d’Ivoire devrait se démarquer par des valeurs culturelles et religieuses fortes qui influenceraient en retour les normes de comportement public et privé. On constate un net parallèle entre indécence et pratiques sexuelles à risque. Dans ce contexte culturel ivoirien où l’apologie du vice dans l’audiovisuel atteint des proportions inquiétantes, il y a autant de facteurs qui contribuent à la persistance du VIH.

D’habillements trop révélateurs ou provocateurs à certaines démonstrations excessives d’affection en public, d’un langage grossier ou vulgaire à une consommation excessive d’alcool de la jeunesse, un cumul de mauvaises mœurs établit un bond entre la sexualité et la moralité. Un tel concept mettrait en avant des comportements tels que l’adultère, la prostitution, l’homosexualité et l’inceste alors considérés comme immoraux. Nul ne devrait donc s’étonner du taux de contamination chez une jeunesse à la merci d’une société qui semble avoir perdu ses repères.

Dans cette même Côte d’Ivoire, la diffamation et les insultes, bref, tout propos ou actes qui portent atteinte à l’honneur ou à la réputation de certains dirigeants sont irrévocablement sanctionnés. Cependant, certains comportements dont l’outrage public, des délits d’ordre d’actes d’exhibitionnisme ou de provocation sexuelle en public, portant atteinte à la pudeur passent quelque peu sous silence.

Dans ces nouvelles réalités qui définissent ce pays, l’éducation ne semble plus être une priorité. La décrépitude qui frappe le Lycée scientifique de Yamoussoukro, jadis fierté nationale, dépicte une société qui a bouleversé ses priorités. La symbolique fait école. Les broussailles comme l’immoralité, ont quasiment tout envahi.

De ce temple du savoir, tout tombe en ruine, tandis que dans des émissions phares du petit écran, des sujets d’adultes aux contenus obscènes, inondent les antennes. Les 15, 25 ans beaucoup plus attirés par tout ce qui brille ne savent plus que l’or est un trésor qu’on acquiert à la sueur de ses méninges.

Par Kakou Nda

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