Bebi Philip célèbre ses 10 ans de carrière

Abidjan, 23-09-2020 (AfrikMonde.com) À 32 ans, Bebi Philip n’a plus rien à prouver puisqu’il a déjà 10 ans de carrière et plusieurs records à son actif. L’artiste ivoirien qui a composé, écrit et collaboré avec les plus grands, vient de sortir son 2e album On The Track qui succède à Joie de vivre sorti en 2013, avec pas moins de 14 titres. Entretien avec l’héritier du coupé-décalé.

RFI Musique : 7 ans se sont écoulés depuis l’album Joie de vivre, pourquoi tout ce temps avant de lui donner un successeur ?

Bebi Philip : Vous savez, je suis un artiste, un chanteur et un arrangeur. Donc le côté « arrangement » a pris le pas sur le côté chanteur. Donc, je n’étais pas toujours constant au niveau des sorties discographiques. Mais comme l’année 2020 marque mes 10 ans de scène, je me suis dit qu’il fallait que je célèbre ça pour mes fans avec au moins une sortie d’album. C’est comme ça que j’ai pu finaliser On The Track qui vient de sortir. Joie de Vivre, c’était une compilation de tous mes titres qui avaient marché auparavant et que j’ai assemblé, donc c’était plus facile de le sortir, cet album.

On The Track est vraiment l’album de votre public puisque vous avez demandé un financement participatif à vos fans. Une première en Afrique francophone. Qu’est-ce qui a motivé une telle initiative ?

Plusieurs facteurs m’ont motivé. Je suis très réaliste et au regard de la période qu’on vient de traverser, il ne pouvait en être autrement. Le Covid a chamboulé tous les programmes et donc il fallait que je sorte une idée de génie pour cet album afin de marquer le coup. Et vu que le secteur de l’art et du spectacle a été très touché, on n’avait aucune rentrée d’argent, aucun concert. Il fallait que je fasse appel aux fans et que je demande une levée de fond. Avec humilité, j’ai proposé à ceux qui croient en mon talent de financer ce projet. Même si je me suis dit qu’on allait m’insulter car les gens imaginent toujours que nous les artistes, avons une vie de riche. À part ça, je n’ai eu aucune aide, ni du ministère de la Culture ni du BURIDA (Bureau Ivoirien du Droit d’Auteur). Pour cette levée de fond, j’ai demandé 20 000€, j’ai eu plus que ça ! Ça a bien marché et Dieu merci, On The Track sort.

Cet album a été enregistré durant le confinement dans les conditions que l’on connait, ça n’a pas été trop difficile de réunir tous les instrumentistes ?

Pour être précis, ça a été finalisé durant le confinement. En réalité, je bosse sur ce projet depuis plus de 3 ans, à cheval entre arrangements et enregistrement de chansons. Donc c’était compliqué. Vu qu’à cause du Covid, je ne pouvais plus recevoir d’artistes pour enregistrer dans mon studio, j’ai profité de ce vide dans mon agenda pour travailler avec les musiciens. J’ai enregistré pour la première fois de ma vie des titres en live. C’était vraiment une belle expérience.

Côté collaboration, vous n’avez invité que des artistes ivoiriens : Josey, Kerozen et Mohamed Diaby. Est-ce une façon d’appliquer ce que vous prêchez  « consommer ivoirien d’abord » ?

Il y a un message caché derrière ça. Je dis aux Ivoiriens de consommer ivoirien, aux Camerounais de consommer camerounais, aux Burkinabè de consommer burkinabè. En d’autres termes, ce qu’il y a de bon chez vous, il faut savoir le mettre en avant. Parce que nous, Africains, avons tendance à prendre pour de l’or tout ce qui vient de l’étranger. Il faut savoir être fier de nos valeurs et vouloir les promouvoir. La preuve, j’ai voulu avoir un artiste nigérian sur l’album mais il m’a demandé 30 000€. Donc j’ai travaillé avec ceux qui ont bien voulu m’accompagner sur ce projet.

Vous avez fait le choix de sortir l’album également en version physique à l’heure du tout numérique et du streaming. Pourquoi ?

C’est pour la formalité que j’ai fait ça. Et je voulais quelque chose pour que les fans puissent le garder en souvenir vu qu’ils ont participé à la création de cet album. Tous ces mécènes auront un CD et un petit gadget qui accompagne On The Track. Il y a douze titres inédits pour les dix ans de scène. Ce n’est pas rien.

On The Track est aussi l’album qui célèbre vos 10 ans de scène.

Quel bilan faites-vous de cette décennie de musique urbaine ivoirienne ?

La musique a évolué. Chacun a ramené sa couleur. Celui qui s’adapte reste longtemps. Moi, je suis catalogué « coupé-décalé » mais la musique que je fais est variée. La plupart de mes morceaux à succès ne sont pas coupé-décalé. Car cette mouvance, en réalité, c’est un lifestyle, une manière de vivre, qui va au-delà de la musique. Aujourd’hui, on retrouve de nouvelles sonorités dans la musique. Et c’est ce que j’ai commencé à faire il y a déjà dix ans.

Devra-t-on encore attendre 10 ans pour un nouvel album ?

Non. J’ai déjà commencé à travailler sur le prochain album. Il y a eu plein de maquettes avant la version finale de On The Track. J’ai voyagé dans beaucoup de pays à travers le monde et j’ai enregistré à chaque fois. Au Sénégal, en Belgique, au Cameroun ou en France. Il n’y a qu’à Abidjan où je n’ai jamais le temps de finaliser mes propres projets. J’ai déjà plusieurs titres en attente. Qui sait, peut-être que l’année prochaine je sortirai un autre album.

Que souhaiteriez-vous que l’on retienne de vous dans 10 ans ?

On The Track, c’est le résumé de mon parcours et c’est aussi ma vision future. Donc, je pense que dans dix ans, je serai le fruit de cet album. Sortir un album inédit durant la période de Covid, c’est déjà beaucoup. Peut-être que c’est ce que vont se dire les gens dans dix ans. Mais ce que je voudrais qu’on retienne vraiment, c’est que l’humilité précède la gloire…

Par : Hervé Mandina