13-5-2024 (AfrikMonde.com) Les Jeux olympiques d’été de 2024, officiellement appelés les Jeux de la XXXIIIᵉ olympiade, seront célébrés du 26 juillet au 11 août 2024 à Paris. A sa cérémonie d’ouverture, le choix d’Aya Nakamura, pressentie pour chanter “l’Hymne à l’amour” d’Édith Piaf, fait polémique. Nakamura, Aya Coco Danioko de son vrai nom, est une chanteuse malienne de naissance qui fera tardivement sa demande de naturalisation française.
Au rendez-vous de l’histoire, la coïncidence du sens de la chanson de la môme est la bienvenue et nous projette dans cette atmosphère du deux poids, deux mesures, teintée d’un parfum de racisme au pays des droits de l’homme. Edith dans son titre phare, ‘’Je ne regrette rien’’, berçait de sa sublime voix :
“Le ciel bleu sur nous peut s’effondrer
Et la Terre peut bien s’écrouler
Peu m’importe si tu m’aimes
Je me fous du monde entier”
Dans le ciel bleu de Paris, il est bon de rappeler à certains, avant qu’ils s’effondrent de rancœur vaine et inutile, que le but de l’Olympisme est de mettre le sport au service du développement harmonieux de l’humanité en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine.
Et la Terre peut bien s’écrouler, face au déferlement de haine raciste et misogyne qu’elle subit. Elle est pourtant la chanteuse francophone la plus écoutée au monde actuellement, notamment sur Spotify, avec 20 millions d’auditeurs mensuels. Elle a démontré sa capacité à remplir Bercy deux fois en moins de quinze minutes avec une troisième ouverture, déjà complète au printemps. Extrêmement populaire, n’en déplaise aux aigris, cette star mieux qu’eux, fait rayonner leur France et la sienne d’ailleurs, à l’international. “Tu parles des autres parce qu’on ne parle pas de toi”, dira-t-elle.
Peu m’importe si tu m’aimes. Critiquée, la belle Nakamura s’amuse de ses détracteurs dans Doggy, sa nouvelle chanson “J’ai pas d’ennemis moi, c’est eux qui m’aiment pas.”
Je me fous du monde entier, disait Edith… Oui, on s’en moque du collectif d’extrême droite et sa banderole sur Paris affichant : “Ya pas moyen Aya, Ici c’est Paris, pas le marché de Bamako”. Idem pour Marine Le Pen qui, s’exprimant publiquement, estime que le choix porté sur Aya Nakamura revient à humilier les Français : “Ce n’est pas l’image qu’on veut donner, et ce n’est pas un bon symbole”.
La symbolique du Chef d’Etat français, Emmanuel Macron qui attendra tout un mois avant de se prononcer timidement sur la controverse de ce choix, “c’est une bonne chose et elle a toute sa place dans la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques”, n’a rien de comparable avec son soutien extrêmement élogieux en quelques jours, à l’encontre de Gérard Depardieu, pourtant accusé de multiples viols et agressions sexuelles : “Moi, je suis un grand admirateur de Gérard Depardieu”.
Similitude obligeant, en 2018, le titre “Djadja” d’Aya Nakamura, est passé numéro 1 des ventes aux Pays-Bas. Belle similitude quand la dernière francophone ayant réussi cet exploit n’était autre qu’Edith Piaf, avec son titre “Je ne regrette rien” en 1961. Déjà, en 1943, Edith Piaf était traitée de petite, laide et tordue. Des réactionnaires disaient : “ Petite femme pas très jeune, pas très jolie avec une méchante petite robe noire. ” Pour eux aussi, elle ne donnait pas une belle image à la France.
La musique et les arts populaires ont toujours été moqués par des classiques. Ce n’est pas la première fois que l’extrême droite s’attaque à la culture en essayant notamment d’empêcher des artistes de performer. Cela avait été orchestré à l’encontre de Black M, finalement empêché de chanter lors des commémorations de la bataille de Verdun en 2016. Pareil déferlement sur la victime Youssoupha, lorsqu’il lui avait été demandé de produire la chanson accompagnant la sélection des bleus pour l’Euro 2021.
Il est aussi bon de rappeler aux fascistes et aux racistes, que la langue française est partagée par 29 autres pays dans le monde. Aya Nakamura se revendique comme la fille des griots. Ces conteurs et poètes d’Afrique de l’Ouest qui, avec raison, réinventent la langue française. Elle utilise plusieurs langues et n’a pas honte de l’argot populaire. Elle en fait avec une créativité linguistique et artistique. C’est le don des conteurs et des poètes, bref, de tous les artistes. Avoir une invention des mots est une vraie créativité artistique, qui rend Mlle Nakamura universelle.
Justement, pour Bernard Cerquiglini, linguiste, “ces mots que nous appelons immigrés forment une sorte d’alluvions, un dépôt fertile accumulé par notre langue au fil des échanges commerciaux, techniques et culturels dont il a bénéficié”, écrit-il. La langue française s’est construite au fil du temps avec ses interactions vis à vis de pas mal de langues de ce monde. Nous insisterons sur le fait que la colonisation et la décolonisation des années 60 ont à leur tour amené nombre de mots, contribuant également à l’évolution de la langue de Molière. “Les emprunts font partie de la vie normale des langues” appuie Médéric Gasquet-Cyrus, la langue française est faite de ce métissage. Disons leurs qu’au 16è siècle, des puristes criaient aussi au scandale, car selon eux, l’italien menaçait la langue française…
Quelque part, l’attitude du monde de l’extrême droite, dont celui des personnes ayant des opinions extrêmement nationalistes, xénophobes, racistes, fondamentalistes religieuses ou autres réactionnaires, est compréhensible. Leur malaise est enfoui dans l’impact qu’a eu le plan Marshall sur la culture européenne, en particulier en France. Officiellement appelé “Programme de rétablissement européen”, le Plan Marshall est un programme américain de prêts accordés aux différents États d’Europe pour les aider à se reconstruire après la Seconde Guerre mondiale. Seulement, certains analystes considèrent que ce plan a été une mise sous tutelle économique et culturelle des pays “libérés” par l’armée américaine. D’autant plus qu’il a imposé l’obligation de projeter chaque année dans le domaine de l’audiovisuel, au moins 30% de films produits à Hollywood, Etats-Unis. Des sociologues diront qu’il est un gigantesque potlatch impliquant la soumission, d’abord économique, puis comme contrepartie culturelle, esthétique et philosophique de l’Europe aux États-Unis.
C’est donc ce sentiment de peur d’être à nouveau sous domination qui les pousse à se renfermer sur eux-mêmes. Cette autre xénophobie s’illustre dans leur passion sociale, au sens où elle est liée à leurs émotions (peur, angoisse, colère voire haine), alors suscitées par une mésinterprétation de la réalité. Ces émotions peuvent être la cause de la xénophobie, mais aussi en être la conséquence.
Il est aussi urgent de leur rappeler que d’ici peu le peuple noir sera numériquement dominateur. Il faudra dès lors rendre à César, ce qui est à César. Aux Africains, leur sera enfin destinée la gloire avec de la hauteur à sa juste mesure. Vivez rassurés, il n’y aura la moindre vengeance ! Dites donc à Marine Le Pen de ne plus avoir peur, demain est déjà là. La cérémonie d’ouverture des jeux de Paris sonnera bien le glas, avec ou sans Aya Nakamura.
Kakou N’da
AfrikMonde.com