Edito/Psychologie du franc CFA : l’inconvénient profit de la France

22-4-2024 (AfrikMonde.com) Selon la théorie quantitative classique de la monnaie, elle n’a pas d’influence sur l’économie réelle. Elle détermine le niveau général des prix, sert d’intermédiaire des échanges (payer), d’unité de compte (compter) et de réserve de valeur (être stockée), pour qui battrait monnaie, fierté d’intégrité territoriale.

Le cas du franc CFA en Afrique fait école. C’est en réalité, une double monnaie sur autant de zones, regroupant 14 pays africains qui n’en ont aucun contrôle. Ces monnaies partagent la même appellation, mais sont distinctes, égales et non-interchangeables, avec des codes ISO relatifs à leur localisation.

Aucun débat n’aurait été aberrant si l’usage de ces monnaies avait été pensé, initié et entretenu par les Africains eux-mêmes. De la Zone UEMOA, utilisée par huit pays Ouest-africains, nous avons l’Union économique et monétaire ouest-africaine – devise XOF ; puis de la Zone CEMAC, regroupant six pays d’Afrique centrale, on a la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale – devise XAF.

L’essence du franc CFA, franc des Colonies Françaises d’Afrique, se définit dans ses racines. Né le 26 décembre 1945, de la ratification de la France des accords de la conférence monétaire de Bretton Woods (New Hampshire – États-Unis), qui n’a pour but que la mise en place d’une organisation monétaire mondiale, favorise la reconstruction et le développement économique des pays touchés dès fin 1945, par la seconde guerre mondiale. Elle s’est tenue sans la présence d’Africains et instaure un système monétaire biaisé, basé sur la libre convertibilité des monnaies et la fixité de leurs taux de change.

Cet élan hégémonique, prêté à l’historique du CFA, tire son inspiration de la ligue de Délos de la Grèce antique. Au départ, alliance purement militaire pour faire face aux Perses, Athènes la transforme progressivement en un instrument de domination en détournant son trésor tout en contraignant les cités dissidentes, qui vont perdre leur souveraineté.

Fort de ce modèle, en juin 1940, Adolf Hitler exulte de la signature de l’armistice des plénipo-tentiaires français. C’est un véritable diktat monétaire que le Führer impose à la France vaincue. Avec une parité imposée par l’occupant sans aucune concertation, la monnaie nationale de l’hexagone deviendra une monnaie satellite du Reich. Grâce à un taux aussi spoliateur, les nazis vont pouvoir organiser un pillage méthodique des richesses françaises.

Ce traumatisme va générer des changements dans le subconscient collectif français et finit par altérer sa mentalité. En Psychologie, on parle de manque d’empathie qui proviendrait de la plaie ouverte. A un moment donné, la proie devient bourreau à son insu. Parfois, ce mécanisme, insidieusement, entraîne le sinistré à récupérer de l’intérêt et de l’énergie en culpabilisant les autres et leur faisant du chantage. La plaie ouverte fait de la violence une forme de langage. Pour les Africains qui héritent de l’historique du franc CFA, c’est un paradoxe.

Dès lors, le changement de dénomination, de Colonies Françaises d’Afrique (de 1945 à 1958) à Communauté Financière Africaine (de 1958 à aujourd’hui), n’est que trompe-l’œil. Ici, le paradoxe du CFA devient l’ironie de l’histoire qui pèse sur ces 14 pays absents de la conférence de Bretton Woods. Par conséquent, les avantages liés à cette monnaie coloniale ne pourront jamais outrepasser le profond inconvénient d’être par essence une violation de la souveraineté des pays africains, les empêchant de conduire une politique monétaire autonome.

En effet, le franc CFA, lié à l’euro, offre stabilité et prévisibilité par défaut, facilitant les échanges commerciaux et les investissements étrangers. Sa convertibilité en euro protège contre les risques de change et dévaluations, favorisant une inflation basse et stable, propice à la croissance économique et au pouvoir d’achat des populations. Il encourage l’intégration économique entre les pays membres de la zone CFA, réduisant les coûts de transaction et attirant les investisseurs étrangers. Les banques de la zone sont rassurées quant à la valeur de leurs prêts.

A contrario, le défaut de la zone géographique de la zone CFA est dû aux politiques économiques des différents gouvernements nationaux, indépendants de la Banque Centrale. Les pays membres ne peuvent pas mener une politique monétaire indépendante, ce qui affecte leur compétitivité sur les marchés internationaux. De plus, la convertibilité illimitée du franc CFA en euro a un coût pour les pays membres, qui doivent déposer une partie de leurs réserves de change auprès du Trésor français. Enfin, la gestion du franc CFA manque de transparence et de démocratie, notamment en raison de son impression par la Banque de France, depuis 1945.

La valeur de la monnaie, validée par l’État, fait d’elle un instrument politique et économique. En ce sens, elle caractérise le pouvoir politique d’un pays (le dollar, monnaie internationale représente le pouvoir des USA, l’euro celui de l’Europe). Le franc CFA, régulièrement critiqué en dépit de la stabilité procurée par le Trésor français a jusqu’ici incité les pays concernés à le conserver. Néanmoins, la question de son avenir est sujette à débat. Des réformes sont envisagées pour répondre aux critiques et l’améliorer. Mieux, son remplacement par l’ambitieux projet de l’éco, devrait permettre aux économies africaines d’obtenir leur indépendance financière, gage de leur maturité.

Kakou N’Da

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