8-7-2024 (AfrikMonde.com) En Côte d’Ivoire, la quasi-totalité de règles ou conventions explicites, quel qu’en soit le domaine, sont enfreintes à longueur de journée en vue d’obtention d’avantages indus. La tricherie est devenue la norme. Le raccourci s’est vite érigé en modèle dans une société où règne une impunité sans merci. Des tricheurs se retrouvent dans tous les secteurs de la vie. D’aucuns imputent ce fléau au père fondateur de cette nation, dans sa quête de paix à tout prix. Au nom de la stabilité et de la paix, la transformation des ressources économiques en ressources politiques a ouvert la porte à toute sorte de débordements, dont la corruption et la tricherie.
Pour qu’il y ait un corrompu, il faut bien un corrupteur. A ce jeu, un climat délétère avec des élans d’injustices, parce qu’impunité partiale, s’est installé. Ce consensus prend forme dans les centres d’examens de fin d’année, notamment. Les plus faibles font évidemment office de bouc émissaire alors que le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre. Les apprenants, d’une part, relayés au statut élémentaire d’élèves ou étudiants, sont enclins à copier sur les adultes, dont de nombreux parvenus à la moralité fragile, pullulant sur les canaux médiatiques. Pour eux, tricher leur permettrait d’obtenir de meilleurs résultats.
En face, des enseignants et ou des forces de l’ordre, à la réputation sociale non-envieuse, mandatés pour veiller sur les lieux et au maintien de conditions favorables au bon déroulement des épreuves, tout en assurant leur protection et leur sécurité ainsi que celui du matériel selon les normes et les directives en vigueur. Sortir de ce cadre rendrait cet amalgame contre-productif et ne pourrait que créer un terreau propice à la dérive. Car, pour des extorsions de fonds et d’autres faits de racket, dits arrangements financiers du quotidien, le rapport Afrobaromètre (réseau panafricain indépendant) dans une enquête de 2019, conclut : « La police est l’administration publique la plus impliquée dans la corruption en Côte d’Ivoire ». Ainsi, selon l’indice de perception de la corruption établi par l’ONG Transparency International, la Côte d’Ivoire figurait en 2020 à la 104e place sur 180 pays. Conséquemment, une telle tare, rapportée aux examens de fin d’année des plus petits, conduit inexorablement à ce laisser-aller, la triche.
Des élèves révèlent que des forces de l’ordre leur permettent d’accéder en salle d’examen avec leurs portables ou des antisèches, moyennant de l’argent. L’agent affecté à la sécurité va garder par-devers lui ces effets généralement pris lors de la fouille à l’entrée du centre et, se charge par la suite de les acheminer aux candidats dans la plus grande discrétion.
C’est un secret de polichinelle. Dans bien d’autres cas, les élèves sont rackettés, bon gré mal gré, par des surveillants. Ceux qui refusent d’obtempérer, seront inlassablement harcelés. Les salles d’examens prennent alors des allures de marchés où il est désormais impossible de rester concentré. Tout le monde se retrouve perturbé et enquiquiné dans ce cirque, particulièrement ceux qui ne comptent que sur leurs compétences intellectuelles. Ainsi, pourquoi seuls les élèves pris la main dans le sac, écopent d’une sanction ?
La Professeure Mariatou Koné, en sa qualité de ministre de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation, s’est engagée dans la transparence et dans l’équité depuis 3 ans. « Ensemble, engageons-nous pour relever tous les défis du système éducatif. Il s’agit, entre autres, de la lutte contre l’échec scolaire, la tricherie, les violences, les grossesses en milieu scolaire, l’alcool, la drogue, l’abandon de la scolarité, etc., » déclare-t-elle. Nous souhaitons qu’en plus et en parallèle à son souhait d’améliorer la qualité des ouvrages et manuels scolaires, à l’assainissement du secteur des éditions ainsi qu’à une meilleure collaboration en vue d’accentuer la qualité de l’enseignement, qu’elle porte un accent particulier sur l’épineux vice de la tricherie.
En effet, les conséquences sont graves, tant pour les élèves que pour leurs établissements scolaires voire le système éducatif dans son ensemble. Sur le plan individuel, la tricherie prive les élèves de l’apprentissage réel et les empêche de développer les compétences dont ils ont besoin pour réussir dans les études et dans la vie professionnelle. Elle nuit également à l’estime de soi et au sentiment d’intégrité. Sur le plan institutionnel, la tricherie sape la confiance dans le système éducatif et compromet sa réputation à l’international.
N’oublions pas qu’elle ternit l’image de l’établissement du fautif. Les diplômes ivoiriens pourraient perdre en crédibilité et ne plus être reconnu ailleurs. Cette situation alarmante, où les élèves troquent leurs études en payant leur diplôme par exemple, est indexée par un rapport du ministère de la Santé, montrant que “70 % du personnel soignant qui prodigue des soins infirmiers dans les cabinets médicaux, cliniques et polycliniques à travers tout le pays n’ont pas la qualité d’infirmier”.
Seulement, il ne s’agit pas de cas isolés, aux secteurs les plus essentiels tels que la santé, l’éducation, s’ajoute la justice. Les professionnels de tous les milieux sont régulièrement accusés de s’enrichir au lieu d’assurer leur mission de service public. Francis Akindès, sociologue, avance que “la corruption est devenue la norme, notamment dans le secteur public où tous les services deviennent des marchandises ; cela encourage l’incompétence et l’irresponsabilité ”.
Pour rappel, Madame la Ministre, bachelière de 1984 et maîtrisarde de 1988, est un fin produit du système éducatif ivoirien qui malheureusement est en souffrance de nos jours. Dans le listing des problèmes, le phénomène de tricherie et celui du droit de cuissage, caracolent en tête. Il est regrettable que certains enseignants, parce que considérés comme détenteurs de la connaissance, abusent de leur position d’autorité en exploitant leurs élèves, particulièrement celles de la gente féminine. Un harcèlement du bas de la ceinture pour des faveurs à contrecœur.
Désormais, à la tête du ministère de l’Éducation nationale, la Ministre Mariatou Koné est une des mieux outillées pour endiguer à jamais ce genre de corruptions sociales. La volonté politique manifestée devrait faire ombrage au laxisme auquel nous ont habitués certains responsables de ce pays.
La tricherie en milieu scolaire reste un phénomène complexe aux multiples facettes face à laquelle il n’existe pas de solution miracle. Il demeure important de mettre en place une approche globale qui combine des mesures de prévention, de détection et de sanction de toutes les parties concourantes. Cela implique la promotion d’une culture scolaire basée sur l’honnêteté et l’intégrité.
Les élèves doivent être sensibilisés ainsi que les enseignants et leurs parents aux enjeux de la tricherie. Il faut également créer un climat où le respect mutuel et la confiance prévalent en milieu scolaire. La mise en place d’évaluations plus justes et plus difficiles à copier lors d’examens. Cela peut passer par l’utilisation de différentes formes d’évaluation.
L’on pourrait également offrir aux élèves un soutien individualisé par le biais de tutorat, de cours de rattrapage ou d’autres programmes d’aide aux élèves en difficulté. Finalement, sanctionner ceux qui trichent de manière équitable et proportionnée. Les sanctions doivent être plus dissuasives que tout, mais ne doivent surtout pas éloigner ces malheureux du système éducatif. Elles doivent également viser à les aider à comprendre les conséquences de leurs actes et à faire des choix plus responsables à l’avenir.
Lutter contre la tricherie est un défi permanent qui exige une collaboration de tous les acteurs de la communauté éducative. En travaillant ensemble, nous pouvons créer un environnement scolaire où tous les élèves sont encouragés à apprendre et à réussir de manière honnête et intègre. La Côte d’Ivoire de demain se construit sur ces bancs de salles d’examen, elle a urgemment besoin d’un nouveau paradigme autour duquel tous ses enfants se mettraient d’accord pour la servir et non se servir soit même.
Par Kakou Nda
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