27-5-2024 (AfrikMonde.com) Le 22 janvier 2024, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, déclare à son arrivée en Côte d’Ivoire : “Nous mettons le paquet en Afrique”. Trois mois plus tard, le 29 avril 2024 les opérations de charmes s’accentuent. Abidjan reçoit de l’adoption du Conseil de l’Union européenne une mesure d’assistance d’un montant de 15 millions d’euros en faveur de ses forces armées. “Pour la Côte d’Ivoire par exemple, les États membres devraient en principe valider officiellement la mobilisation d’enveloppes supplémentaires pour permettre l’acquisition de matériel afin de lutter contre le terrorisme, notamment des drones, des véhicules des équipements pour collecter des informations et des renseignements”, annonce le président du Conseil européen Charles Michel lors de sa visite en Côte d’Ivoire.
Toujours dans l’accélération du processus de montrer patte blanche, en ce même mois d’avril, le patron du Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM), Michael Langley, arrive pour plaider en faveur de l’ouverture d’une base militaire américaine auprès d’Alassane Ouattara. Ce haut militaire noir colporte la volonté d’une puissance impérialiste qui s’est bâtie sur un fameux commerce triangulaire, il est urgent de le rappeler à ceux qui auraient la mémoire courte.
Ainsi, la Côte d’Ivoire se retrouve courtisée à la suite de nombreux démantèlements de bases militaires en Afrique de l’Ouest. Devenus personæ non gratæ, nombreux se ruent sur les côtes éburnéennes vanter les avantages, à sens unique, de la présence de leur armée dans des territoires justement à la recherche d’indépendance, d’autonomie et toute autre forme de souveraineté nationale. En réalité, ce qui se joue derrière ces ballets est une concurrence âpre sur le continent entre les grands de ce monde, on serait naïf de l’ignorer.
En 2017 déjà, était estimé que près de 200 000 hommes, soit 10 % du personnel militaire américain, étaient déployés dans 177 pays dont 800 bases déclarées, en vertu d’accords mutuels. Seulement, aucun recensement complet de ces bases à l’étranger serait possible pour des raisons de secret militaire. Au lendemain des guerres mondiales, les impératifs de la stratégie moderne ont été à l’origine de ce développement sans précédent. Mais, l’aspect militaire, politique et économique de ces bases qui baignent dans l’omerta, constituent pour la jurisprudence un obstacle infranchissable. Les Américains s’appuient sur la compartimentation du monde en zones d’influence pour organiser un système de défense contre leurs adversaires. Le problème des occupations militaires en dehors de guerre nécessite à ces troupes un statut juridique qui fait l’objet de négociations délicates, et c’est justement là où le bât blesse.
La doctrine américaine repose sur l’importance de la souveraineté nationale reconnue aux autorités de l’armée étrangère ; elle accorde le libre passage, exclut toute juridiction sur ses troupes et autorise le commandement étranger à faire preuve de discipline et d’infliger sous son autorité les peines nécessaires. Ainsi, toute leur force américaine qui séjourne sur le territoire d’une autre nation bénéficie d’une totale exterritorialité. La compétence des tribunaux locaux est écartée.
L’utilisation de cette approche classique d’accords bilatéraux pour l’établissement de bases à l’étranger est désuète et imparfaite dans la plupart des cas. Elle ne constitue pas une justification psychologique satisfaisante à la présence de ces troupes étrangères qui sont ni conquérantes, ni invitées. Elle ne permet pas d’éviter les réactions politiques de populations encore sous le choc d’autres occupations. Pour les ivoiriens, les malversations de l’armée française (les tueries du 9 novembre 2004 à l’hôtel Ivoire et les bombardements d’Abidjan par des hélicoptères de la Licorne en 2011) recluse dans son 43ème BIMA sont encore de vibrants cauchemars. L’implantation de ce genre de base ne tient donc pas compte de la grogne d’une bonne frange de la population, voire de l’opposition politique. Sa présence risque d’exaspérer ce sentiment de complexe d’infériorité du pays d’accueil et d’enfoncer davantage un climat politique déjà tendu.
Référons-nous au Japon où les bases militaires américaines longtemps installées font encore polémique. La présence américaine y suscite toujours une forte opposition de la population avec des affaires de viol répétitif qui ne cessent de ternir l’image des Etats-Unis. “Trop, c’est trop” eu scandé le ministre japonais des Affaires étrangères, Masahiko Komura, rompant avec sa retenue habituelle, après une nième histoire de viol par des soldats américains. Ailleurs, en Italie notamment, un de leur avion volant à basse altitude par négligence a heurté le câble d’un téléphérique dans une station de ski faisant de nombreuses victimes. L’avion est ensuite rentré sans encombre à sa base d’Aviano. Tous les coupables, d’Okinawa – Japon à Masi di Cavalesi – Italie, seront timidement inquiétés des poursuites aux Etats-Unis. Au Niger voisin, ils ont été accusés d’avoir une “attitude condescendante” avec la réduction brutale de leur coopération militaire, faisant d’eux une force illégale sur l’ensemble du territoire.
Leur présence, partout décriée, ne favorise que l’impérialisme américain. En 2024 qu’est ce qui aurait changé dans la mentalité Yankees, où tout est permis hors du territoire américain ? Comment admettre la beauté soudaine de la domination que dégagerait une autre base militaire, en Côte d’Ivoire, américaine de surcroît ? “Ne traite pas d’affaires avec qui tu ôtes le chapeau avant de parler”, dit bien l’adage.
Kakou NDA
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