Côte d’Ivoire : plus d’une semaine après les massacres de Kokoumbo, les autorités administratives et coutumières se prononcent

24-10-2022 (AfrikMonde.com) 05 morts dont un élève de 3ème qui revenait de l’école et 21 personnes blessées ! C’est le triste bilan des massacres survenus le mercredi 12 octobre 2022 dernier à Kokoumbo. Près de deux semaines après ce douloureux épisode qui a ébranlé la paisible localité de la reine Nanan Akrou NGuessan Martine ou Akroubla, nous nous sommes rendus dans la cité de l’or pour comprendre les raisons de cette tragédie.

Le mercredi 12 octobre 2022, des gendarmes, fusils au poing, débarquent à Kokoumbo dans le cadre d’une mission de déguerpissement des sites d’orpaillage. Mercredi, jour de marché de la localité. La voie principale, ce jour-là, est prise d’assaut par les commerçantes et commerçants venus des villages voisins. La rue grouille de monde. Un véritable tohu-bohu aggravé par les bruits de moteurs des engins roulants.

C’est dans cette ambiance bon enfant et grouillante de vente et d’achat que le drame survint. Selon le chef du village de Kokoumbo, Nanan Kouassi Koffi, par la voix de son porte-parole du jour, Oscar Kouassi, la mission de déguerpissement des sites d’orpaillage s’est transformée en patrouille dans la ville. Des portes sont fracassées, des passants brutalisés et dépossédés de leur argent manu militari.

Des commerçantes et vendeurs sont violentés pour se voir rançonnés après avoir reçus des coups de matraques. Bref, la mission initiale de traque des orpailleurs, s’est muée en racket pour se faire de l’argent dans cette cité où l’or abonde. Certains jeunes sont arrêtés et jetés dans le cargo militaire sans raison. Toujours selon le chef et ses notables, s’en suit alors une révolte des jeunes du village mécontents du comportement des hommes en tenue qui s’en sont pris aux militaires à coups de pierres qui répliquent à coup de gaz lacrymogène.

Débordés par la furia des jeunes de plus en plus nombreux et ne disposant plus de bombes lacrymogènes, apeurés et acculés, les gendarmes se sont mis à tirer. Kouadio Yao, élève de 3ème qui revenait de l’école, est pris pour cible. Il est tué sur le coup, tout comme un jeune Yorouba dans sa cour, sous les yeux de sa mère. Au total, ce sont cinq personnes qui passent de vie à trépas et 21 autres blessées graves qui ont été transportées dans les hôpitaux.

Selon le témoignage du maire résident Allangba, aucune des personnes tuées ne se trouvait sur le site d’orpaillage. « L’orpaillage se fait en brousse pas au marché. Tous ceux qui ont été tués ou blessés, personne n’était sur le site d’orpaillage mais plutôt au marché. Les gendarmes arrachaient les sacs d’argent des femmes. Ils confisquaient des marchandises des femmes. Ils ont tiré dans la tête d’une femme qui était assise dans sa cour. Quelles sont ces manières ! On tire sur les enfants sans raison et pourtant, le Commandant de brigade, capitaine Kobenan m’a affirmé qu’il n’était informé de rien, vu qu’il n’a jamais donné d’ordre pour que ces gendarmes se retrouvent à Kokoumbo. Et pourtant, c’est lui qui coiffe la région du bélier », a indiqué M. le Maire.

Puis, il s’est prononcé sur les aveux du capitaine Kobenan. « Je n’ai pas été informé de cette mission. Toumodi et Djékanou non plus n’ont pas été saisis de cette mission et du coup, on débarque on et tue des gens », a rapporté le Maire résidant qui a vécu les évènements, à l’endroit du Commandant de brigade, sur un ton très remonté et au bord des larmes.

Depuis ces évènements, un calme plat règne dans la cité, mais la colère est perceptible. Kokoumbo a enterré ses morts. L’émotion est toujours vive dans le village, loin des coups de pioches des orpailleurs. Malgré la douleur et la colère, les autorités appellent au calme et invitent les responsables des mines à trouver une solution à l’exploitation de l’or dans la cité.

« Nous sommes des autorités, ce que nous pouvons faire, c’est de calmer les esprits, mais la seule chose que nous demandons, c’est d’aider les gens à avoir leurs papiers d’exploitation d’or pour sortir de l’illégalité. Il y a longtemps que nous attendons ces documents d’exploitation d’or des autorités. Ce faisant, nous allons les organiser en coopératives. Comme ça, ceux qui ne sont pas des nôtres, seront obligés de sortir de notre territoire, afin de nous débarrasser des braquages, de la consommation de drogue et de bien d’autres fléaux liés à l’orpaillage clandestin qui attire nombre d’étrangers ici », a souhaité le maire Allangba.

Un souhait réitéré par le 1er adjoint au maire, Kouadio N’da. « La mairie de Kokoumbo ne soutient pas l’orpaillage illégal. On ne s’est jamais inscrit dans ça dans la mesure où la mairie est un démembrement de l’administration. Nous travaillons avec l’Etat. Ce que nous demandons, c’est que l’activité soit organisée régulièrement et que les uns et les autres soient dans les normes pour nous éviter ses descentes musclées et illégales dans la cité », a ajouté le maire N’da.

Une doléance soutenue par la reine Akroubla, très affectée par le massacre de ses enfants par les gendarmes au marché. A Kokoumbo, l’émotion est toujours vive et les populations s’interrogent encore sur les raisons de ces massacres sans fondements perpétrés par ceux-là mêmes qui ont en charge leur sécurité.

Frederick Konaté

AfrikMonde.com