Interview/Paulin Claude Danho (Ministre en charge des Sports) : ‘’Le sport peut devenir une source de création de richesse’’

2-10-2022 (AfrikMonde.com) Dans cet entretien accordé au confrère italien, Enrico Currò de la Repubblica, le Ministre des Sports, Paulin Claude Danho revient sur le forum économique organisé à Rome, le 17 septembre dernier, dans le cadre de la visite officielle du Chef de l’Etat en Italie et au Vatican. Il présente à cet effet, les opportunités d’investissements à des hommes d’affaires italiens en vue du développement du sport en Côte d’Ivoire.

Monsieur le Ministre, quelle place occupe le sport aujourd’hui dans le développement de la Côte d’Ivoire?

Le Président de la République, SEM Alassane OUATTARA veut que le sport soit à la fois, source de bien-être des populations, que le sport apporte la cohésion. Parce que le sport, c’est la fraternité, c’est la convivialité. Il faut que le sport serve à créer la cohésion sociale parce qu’on sort d’une crise. Il était nécessaire que le sport soit une source de rassemblement des populations. Et puis, il est important aussi que le sport aide à faire de la diplomatie, à apporter le rayonnement de la Côte d’Ivoire.

Et enfin, le sport ne pouvait pas rester seulement à son statut de sport ou de jeu. Comme vous le voyez, le sport doit servir aussi de création de richesses et d’opportunités pour les jeunes. Voici un peu les grandes idées autour de la Politique Nationale du Sport.

A partir de ce postulat, on a fait beaucoup d’investissements dans le domaine du sport. Il faut savoir que cette année, en prévision de la CAN 2023, on a investi plus d’un milliard de dollars (500 milliards de FCFA) en infrastructures sportives, d’hébergement, en infrastructures routières, en infrastructures de développement du pays dans cinq villes, Abidjan, Korhogo, San Pedro, Bouaké et Yamoussoukro. Cela entraîne en même temps le développement du sport dans toute la Côte d’Ivoire. C’est une politique qui a porté sur une vision.

Faire de l’animation sportive, c’est ce que nous faisons au niveau du ministère avec nos Directeurs dans les différentes régions.

Faire du sport source de création de richesses parce que tous ces investissements, cet argent injecté pendant ces trois dernières années a boosté l’économie et créé des emplois.

Et puis ces infrastructures qu’on va construire doivent être entretenues et gérés pour permettre aux jeunes de développer le sport et trouver de nouveaux métiers. C’est cela la politique du pays en matière de sport. C’est-à-dire une politique d’animation et à la fois une politique d’investissement.

Il y a encore des investissements à venir dans les infrastructures de proximité. En dehors des cinq villes dont j’ai parlé, dans toutes les capitales régionales, il y aura des investissements d’infrastructures pour permettre aux populations d’avoir accès au sport.

De l’autre côté, on a fait aussi des investissements dans les infrastructures sportives dans les universités et dans le milieu scolaire parce qu’on a un office qui s’occupe du sport en milieu scolaire et universitaire.

Et puis enfin, pour que le sport soit dans tous les quartiers et maintienne les jeunes dans les territoires, nous sommes en train de développer un nouveau système qu’on appelle des espaces de jeux Agora pour leur donner des formations sur l’entrepreneuriat sur le business dans dix (10) villes du pays.

Lors de votre visite en Italie,  vous avez participé à un forum économique. Quels en seront les retombés pour la Côte d’Ivoire au niveau sportif ?

Pendant le forum, j’ai rencontré beaucoup d’entrepreneurs italiens qui sont intéressés à investir en Côte d’Ivoire dans le domaine des infrastructures sportives. J’ai rencontré aussi des gens qui sont intéressés pour faire du business à savoir la détection de talents en Côte d’Ivoire et offrir des opportunités à ces jeunes-là pour venir dans des clubs, ici en Italie. J’ai rencontré des avocats qui étaient intéressés par ce genre de transaction.

J’ai également rencontré des investisseurs qui sont intéressés par la gestion de la data, l’information et les médias. Comment faire de la promotion de la Côte d’Ivoire autour de ce grand événement qui est la CAN 2023 qui aura lieu en 2024.

Monsieur le Ministre, on constate la présence de beaucoup de joueurs africains en général et ivoiriens dans les championnats européens. Quelle est votre analyse sur la question ?

Vous savez, les championnats dans la plupart de nos pays africains n’ont pas encore un haut niveau. Ce qui fait que les meilleurs joueurs pour peaufiner leur carrière sont obligés de venir, ici en Europe. Et c’est d’ailleurs leurs clubs qui les proposent aux clubs européens parce que le championnat n’a pas un haut niveau encore, le championnat ne produit pas encore suffisamment d’argent pour bien payer les joueurs. Donc quand un joueur est brillant, le club préfère le vendre, le proposer à un club européen parce que cela permet d’avoir des ressources pour que le club puisse vivre et permettre aussi de faire du développement et de la détection.

Pensez-vous que la CAN qui s’annonce permettra de retenir les joueurs sur place ?

Pour retenir les joueurs, ce n’est pas compliqué. Il faut avoir des stades. On n’avait pas de stade. Mais maintenant qu’on aura des stades, le niveau du championnat va s’améliorer et du coup on aura des sponsors. Donc il y aura un peu plus de moyens pour payer correctement tous ces joueurs qui n’auront plus d’intérêts à s’exporter sauf ceux qui seront très talentueux et qui seront recherchés par les clubs. C’est l’offre et la demande. Si on propose des millions à un joueur très talentueux, on ne pourra pas le retenir.

S’il y a un bon championnat, il n’y a pas de raison qu’il vienne en Europe. Il va rester parce qu’il sera bien payé et il aura la chance d’atteindre un niveau plus important pour pouvoir espérer être à la Ligue des champions.

Quelle explication donnez-vous à ce phénomène ? Pourquoi l’Afrique et la Côte d’Ivoire ont autant de talents dans le sport ?

D’une manière générale, il faut noter que les Africains sont très talentueux. Que ce soit en Côte d’Ivoire ou ailleurs, les joueurs et les athlètes sont très talentueux. Ce qui leur manque pour éclore, ce sont les infrastructures et l’encadrement. Donc, quand ils bénéficient de cet encadrement, notamment en Europe et dans les grands clubs, naturellement, ils donnent le meilleur d’eux-mêmes.

On a beaucoup de talents et on fait beaucoup de détection. On a des académies de sport maintenant chez nous.

Aujourd’hui, on a beaucoup de joueurs dans les championnats italiens, français et européens. Cela montre que le sport peut nourrir et devenir une source de création de richesse. Or avant, le sport n’était que du loisir. Donc, beaucoup de jeunes décident de perfectionner leur talent dans le sport.

Monsieur le Ministre, peut-il y avoir la possibilité d’un match amical entre les Eléphants et la Squadra Azzurra ?

Bien sûr. En début d’année, on a fait un match amical contre la France à Marseille. Nous jouons deux matchs amicaux face au Togo et la Guinée en France (Entretien réalisé avant les matchs contre le Togo et la Guinée). Cela dépendra de la Fédération italienne. Si elle accepte comme la Fédération française de football qui nous a invités, on pourra avoir un match contre la Squadra Azzurra.

Contrairement à la France, il n’y a pas de joueurs africains dans l’équipe nationale d’Italie. Quel est votre analyse sur cet état de fait ?

L’Italie est en train de vieillir et n’a pas eu beaucoup de mélange, de métissage. Ce qui fait la force des équipes en Angleterre et en France surtout, c’est qu’ils ont beaucoup intégré le métissage. Il y a beaucoup de talents venus d’ailleurs qu’ils ont intégrés et qui permet donc de renforcer l’équipe de France. Ce qu’on ne voit pas en Italie qui est restée assez fermée hormis le cas Mario Balotelli d’origine ghanéenne.

Quel échange attendez-vous entre l’Italie et l’Afrique au niveau du sport ?

Ce que vous avez, c’est l’expérience de la formation et la qualité des infrastructures. Vous avez beaucoup d’expériences en matière d’encadrement des équipes et des entraineurs de haut niveau. Il y a le perfectionnement ici grâce à la science. C’est quelque chose qui nous manque chez nous. Il nous manquait les infrastructures et il nous manque aussi la formation de qualité de haut niveau pour qu’on puisse encadrer ces jeunes talentueux afin qu’ils deviennent plus que ce qu’ils sont actuellement. D’ailleurs, vous avez remarqué que tous nos sélectionneurs, nos encadreurs, nos formateurs, on vient les chercher en Europe. Tous les entraineurs africains sont pratiquement européens. Mais c’est à cause de cela parce que vous avez encore la technicité.

Ce que nous on peut vous apporter, ce sont tous ces talents qui sont encore à l’état brut qu’il faut perfectionner.

Au niveau de l’encadrement des équipes africaines, les choses commencent à changer. On a maintenant beaucoup d’entraineurs africains dû à la formation et à l’expérience. Parce que si vous n’avez pas de formation et d’expérience, vous ne pouvez pas être un bon entraineur.

Il y a beaucoup d’anciens joueurs qui se sont reconvertis, qui ont fait des formations d’entraineurs FIFA, qui ont un niveau européen et donc peuvent encadrer des clubs africains.

Quels rapports entretenez-vous avez Didier Drogba ?

Didier Drogba est un ambassadeur du sport ivoirien, c’est une icône du sport ivoirien. Sauf qu’actuellement il n’est pas entraineur, il n’est pas dans  l’encadrement du sport mais à chaque fois qu’il est nécessaire de porter l’image du pays, il vient témoigner.

Vous savez qu’il a été candidat pour être le président de la Fédération ivoirienne de football, il n’a pas été élu.

Il y a des années, Carlo Ancelotti avait émis le souhait d’entrainer l’équipe nationale de Côte d’Ivoire pour ses nombreux talents à l’image de Drogba.

Carlo Ancelotti, c’est un entraineur de génie, malheureusement, on n’a peut-être pas les moyens de se payer un entraineur de cette qualité. Sinon, nous serions très heureux d’avoir un entraineur de sa trempe à la fin de sa carrière avec le Réal de Madrid comme il l’a dit. Avec les talents que nous avons, si on a un entraineur comme lui, je suis sûr qu’on peut remporter la Coupe du monde.

Aujourd’hui, nous avons beaucoup de talents aussi bien dans la tranche des U17 que dans l’équipe A. On a même l’embarras du choix, tous meilleurs les uns que les autres. On a même des difficultés à choisir 22 parmi les athlètes que nous avons aujourd’hui.

C’est pour dire que l’avenir est très prometteur pour le football ivoirien. La CAN sera décisive pour la Côte d’Ivoire. Il faut qu’on gagne pour renaître et remettre en confiance les générations futures.

L’Italie peut-elle être un modèle malgré son absence à la Coupe du monde au Qatar ?

L’Italie, en matière de football, reste une référence éternelle. L’Italie reste pour tous les amoureux du football une référence éternelle.

Pensez-vous qu’une équipe africaine peut remporter enfin une coupe du monde ?

Ce n’est pas évident. Quand je regarde le niveau, ce n’est pas évident. On ne sait jamais, c’est du football, c’est le sport. Le niveau actuel ne me permet pas de dire à cent pour cent qu’on va gagner mais, c’est du football et on ne sait jamais. On peut avoir des surprises.

Retranscrits par Esli Tréta

AfrikMode.com