Edito : de la nécessité de recourir au rôle de Père-Etat du Gouvernement

11-3-2024 (AfrikMonde.com) “Mon Père, mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ?” C’est le cri de cœur d’un peuple confus, confondu et ému. La poussière de ce qui reste des quartiers taxés de zone à haut risque enfin s’estompe. Les bulldozers laissent dans leur sillon la violence de leur destruction. La souffrance est à la fois physique, morale, psychologique voire plus. Dans ces heures de ténèbres, ceux issus de ces endroits défavorisés, ont le sentiment d’être abandonnés.

Pourtant, l’Etat est au peuple ce qu’est le père à l’enfant. Père-État qui devrait par essence être garant de la sécurité de tous. Engagé, omniprésent dans la vie de ses concitoyens, cet État-là devait contribuer aussi bien à leur bien-être qu’à leur développement, renforçant au passage l’estime de soi, leur patriotisme. Il lui échoit le devoir de protection et d’entretien de tous ses enfants sans distinction de race, de sexe, de langue, de religion ou, bien évidemment de leur lieu d’habitation.

En effet, derrière la beauté des rives d’Abidjan et le merveilleux tracé de ses routes, le danger leurre en permanence. Si ce n’est pas du ciel que s’abat la calamité, à travers les intempéries, ce sont les machines de l’exécutif qui ne sont jamais loin, avec pour point commun, détruire. Une épée de Damoclès qui pèse constamment sur la conscience du pauvre aussi bien à la merci de la nature qu’à celle de l’Etat.

A l’échelle familiale, quel est donc ce père, supposé responsable de l’entretien matériel et moral des siens, qui les mettrait en danger à cause d’un éventuel manque de moyens ?

Pour assurer la pérennité de sa progéniture, il lui incombe de la nourrir, la vêtir tout en veillant sur sa santé. Des décisions médicales seront prises. Papa ira jusqu’à surveiller les relations et les déplacements de ses enfants afin de façonner leur caractère de demain. Garant de cette autorité constructive qui positionne les limites qui feront d’eux des citoyens adultes responsables. Mais, tout ceci ne peut être possible que dans l’assurance que procure un logement sain.

Par conséquent, si faute il y a sur la question de l’hébergement, la sanction fait vite de tomber. Si dame nature n’emporte pas votre demeure de fortune, les pelleteuses du District n’hésiteront pas à sévir sans jamais faire preuve d’humanisme.

A l’échelle étatique, quel est donc cet Etat, personne non morale à la fois dépositaire de la souveraineté, instrument du pouvoir politique et bien assurément porte-parole de l’intérêt général, qui mettrait en mal ses ressortissants, même les plus pauvres, notamment leurs logements avec ce lot de déguerpissement qui secoue tout Abidjan. Mais ici, si des fautes sont commises, qui devrait écoper de sanctions ?

Un État sérieux saurait se doter d’organismes de régulation pour faire le contrepoids et agir si besoin est. Face à ces cascades de démolitions, tantôt en pleine année scolaire symbolisée par la démolition de l’Établissement Cha-Hélène du quartier Gesco avec en son sein des élèves orientés par l’Etat, ou encore ce bruyant démantèlement il y a quelques années, des quartiers Houphouët-Boigny 1 et 2 de Koumassi. Ces endroits sont pourtant lotis et desservis par ces compagnies, jadis étatiques, d’eau et d’électricité.

La liste de procès qu’a entraîné la vague de mécontentement suite aux démolitions, bien souvent court-circuités, s’alourdit. Serait-ce la sanction pour nos autorités ? Devrions-nous plutôt porter notre attention sur ce rétropédalage du déguerpissement des 176 sites des 13 communes du district d’Abidjan, désormais, intitulés “assainissement” d’une trentaine d’entre eux en situation de hauts risques ?

Aussi, les détails du PAQRA, cette étude de 2019 pour une durée de 36 mois, de faisabilité du Projet d’Amélioration des Quartiers Restructurés d’Abidjan donnent le tournis. Il n’y a eu aucune sanction vis à vis de sa non-réalisation sinon ce lourd tribut qu’ont subi les plus démunis. Toutefois, du Groupement Urbaplan – Africurba – Transitec via le Ministère chargé de l’Urbanisme, ils devraient avoir leur quartier renforcé au niveau d’équipement et de service afin d’améliorer leurs conditions de vie.

Un projet bénéficiant d’un concours financier du Contrat de Désendettement et de Développement (C2D) de 45 millions d’euros, exécuté par l’Agence Française de Développement (AFD), s’est donc évaporé.

L’espoir pour plus de 300 000 habitants, de Gesco – Yopougon, Agoueto PK18 – Abobo, Grand Campement, Divo 1&2 et Akromiabla – Koumassi, s’est conséquemment transformé en cauchemar.

Les enjeux principaux de remise à niveau de ces quartiers, notamment en matière d’infrastructures et d’équipements socio-collectifs de proximité, reste sans suite à ce jour.

De ces projets non aboutis, tel celui du PAQRA, se dégage un parfum d’impunité pour certaines entités au sein du gouvernement. Les pistes sont brouillées et rien n’est fait mais les populations déjà en situation de détresse payent cash alors qu’elles devraient interpeller la corde philanthropique de plus d’un au sein de la chose gouvernementale.

Kakou Nda 

AfrikMonde.com