Contribution : fruit défendu, symbole du péché originel

29-8-2024 (AfrikMonde.com) On parle souvent de la pomme d’Adam et Eve, alors que le fruit défendu n’est pas explicitement mentionné dans la bible. Cependant, la pomme, étant le fruit par excellence en Europe où le catholicisme prend son essor sous la domination des romains, va influencer les peintres à la représenter comme le fruit du péché originel sur une base purement linguistique. Le latin est en ces moments, la langue du pouvoir, du droit, de l’administration et de l’armée et de nombreuses colonies romaines, coexistent avec le grec et les parlers locaux tels que l’Hébreu.

Dürer par contre, dans son tableau la Vierge à la poire va plutôt peindre une poire. La poire, étant également un fruit parmi tant d’autres, sera pour Dürer, l’illustration du fruit défendu. Tout autre fruit pourrait conséquemment l’être, qu’il s’agisse d’une pomme, d’une figue ou d’une poire, du moment où en latin classique, pomum signifie « fruit ».

Mais alors, le fruit du pommier qui se dit mālun (avec un long a) en latin, est distinct de mălum (avec un a bref), voulant dire le mal (la chose contraire au bon, à la vertu). Seulement, avec le temps, cette prononciation différenciée s’est perdue. Le pommier étant fortement répandu en Europe, pour ne pas confondre son fruit, la pomme, à ce qui est condamné par la morale, le mal, on a abandonné le mālun pour pomum, devenu entretemps poma, qui a donné le français pomme. L’autre mălum s’est défait de son accent et de son suffixe “ um ”, se simplifiant en mal pour être associé à tous les événements accidentels ou non, aux comportements ou aux états de fait jugés nuisibles, destructeurs ou immoraux, et qui sont source de souffrances morales ou physiques.

D’ailleurs, pomme a gardé le sens générique de fruit : comme dans pomme de pain littéralement fruit du pin ou dans pomme de terre, pour dire fruit de la terre alors qu’elle n’en est même pas un. Aussi, les italiens appellent la tomate pomodoro, entendons littéralement pomme d’or.

Ainsi, du mot fruit en latin, une confusion phonétique plante le décor. Est-ce parce que le pommier, le plus souvent cité, était un arbre courant en Europe sous domination du latin dont son fruit du point de vue phonétique se rapprochait beaucoup plus du mal, qu’il a donné naissance au dogme religieux du fruit défendu ? Dans cette idée de fruit, il faudrait voir l’aboutissement. Il serait ici question de conséquence ou de cause du mal, qui dérivera en péché originel.

Cette dualité de sens, entre fruit et mal est une coïncidence troublante. Du fait de cette confusion, la pomme peut symboliser aussi bien l’acte sexuel que la connaissance interdite. D’autant plus que Michel Bakounine, dans Dieu et l’État, estime que le vrai sens de ce mythe est l’accès de l’homme à la conscience qui le fait échapper à la condition animale et au diktat de l’instinct, mais au prix de la culpabilité de ses actes, dont il devient pleinement responsable.

Depuis quelques siècles, le fruit défendu est aussi présenté comme un symbole du péché de chair. Toutefois, dans le texte de la Genèse, Adam et Ève sont mariés par Dieu qui leur ordonne de croître et de multiplier. Mais alors, que serait le serpent du récit biblique ? Avons-nous ici affaire au Diable, ou toute chose animée par lui ?

Ce récit biblique rapporte que Yahvé avait prévenu Adam des risques encourus à consommer du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal et le prohibe sauf que le serpent ( » Nahash  » en hébreu) tente Ève, qui en mange avec Adam. Il décide alors d’expulser Adam et Ève de l’Éden et place des “ chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie ”, afin qu’ils ne soient pas immortels et accèdent définitivement à la connaissance absolue du bien et du mal.

Cette narration et son interprétation trouvent un écho direct avec le nom  » pomme d’Adam  » pour désigner le cartilage thyroïde apparent chez l’homme. Le morceau de pomme croqué par Adam lui serait resté coincé dans la gorge.

Le fruit défendu est, selon l’exposé biblique de la Genèse, le fruit de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal, lui-même aux côtés de l’Arbre de Vie, au milieu du Jardin d’Éden, comme il est indiqué en Genèse 2 : 9, puis comme cela est rappelé par la Femme (qui ne s’appelle pas encore Ève à ce moment du récit)

Du côté de la foi islamique, il n’est pas question de pomme, mais simplement de “ l’arbre ” défendu. Dans l’histoire du Jardin, Dieu dit à Adam et à Ḥawwāʾ qu’il ne leur est pas permis de consommer le fruit de “ l’arbre de l’immortalité ”(que la tradition islamique identifie au blé).

Le fruit défendu ou arbre défendu, devient une allégorie universelle, tout un symbole chargé d’histoire et de significations multiples, issu des Saintes Ecritures. Ce fruit, issu de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal, est au cœur de la chute d’Adam et Ève, marquant ainsi le début du péché originel dans la tradition chrétienne.

Dieu le sachant renverrait sa créature pensante à la recherche du savoir pour le découvrir, mais paradoxalement, cette quête a été la cause de son écartement des délices absolus de la création, le paradis, d’un dieu certainement jaloux…

Une symbolique riche et variée qui fait attrait à la connaissance, le fruit défendu est souvent associé à la recherche de la connaissance et surtout à la transgression des limites. En mangeant ce fruit, Adam et Ève acquièrent la conscience du bien et du mal, mais perdent en même temps leur innocence.

Dans le subconscient collectif, l’idée de la tentation fait irruption. Le serpent, dans ce récit, incarne cette tentation et l’incitation à désobéir à Dieu. Le fruit défendu devient alors le symbole de tout ce qui est attirant mais interdit. On pourrait aussi parler du caractère subtil de la chute en ce sens que la consommation de ce fruit entraîne l’expulsion d’Adam et Ève du Paradis, symbolisant ainsi la chute de l’humanité et l’entrée dans le monde de la souffrance et de la mort. Il est à noter que certaines interprétations voient dans le fruit défendu une métaphore de la sexualité et de la découverte de la sensualité. Enfin, cet interdit peut également être perçu comme un symbole de la poursuite de la liberté et de l’autonomie par rapport à une autorité supérieure.

Au-delà de sa signification religieuse, le fruit défendu, présent dans de nombreuses cultures et œuvres d’art, permet de rapprocher des éléments qui ont en commun une ou plusieurs caractéristiques similaires, on parle de métaphore. Il représente souvent la curiosité ou le désir de connaître ce qui est inconnu ou interdit, la transgression. Il fait intervenir un certain dépassement des limites imposées et enfin la responsabilité, cette prise de conscience des conséquences de ses actes.

Il avait, dit-on, goûté successivement toutes les pommes de l’arbre de l’intelligence et, faim du dégoût, il avait fini par mordre au fruit défendu.” Pour Victor Hugo, le fruit défendu est un symbole complexe et polyvalent qui continue de fasciner et d’interpeller. Il nous invite à réfléchir sur la nature humaine, sur la quête de connaissance et sur les conséquences de nos choix.

Kakou Nda

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