Edito : quand les champs de guerre constituent des opportunités boursières

15-7-2024 (AfrikMonde.com) James Baker, Secrétaire d’Etat de George H. W. Bush, devant le American Israel Public Affairs Committee – AIPAC, déclarait qu’Israël devrait abandonner sa politique expansionniste. Cette désolidarisation du sionisme allait coûter à son patron sa réélection à la Maison Blanche en 1992. Pour Jacob Heilbrunn, éditorialiste au New York Times : « George Bush n’a pas été capable de tenir à cause de son refus d’accorder des prêts à Israël. C’était un bonhomme seul face à un énorme lobby… Il s’est fait crucifier ».

C’est ainsi que la narration populaire octroie à ce groupe de pression qui prône des politiques pro-israéliennes, du pouvoir auprès du législatif et de l’exécutif américain. Tout porte à croire qu’Israël exerce une hégémonie sans pareil sur les Etats-Unis. Le flot continu de cash en direction de l’Etat hébreux ne fait que confirmer cette assertion. Mais en réalité, ce narratif arrange plus le lobby de l’armement, qui se veut efficace loin des regards.

La National Rifle Association (NRA) s’est hissée au sommet de la pyramide. À l’influence politique redoutable, elle est devenue un des plus puissants lobbies pro-armes. Bien que les poches des législateurs américains de tout bord se retrouvent engluées dans les archives des dons ou apports financiers du lobby juif, le budget de la NRA éclipse ce dernier de loin. Allons donc découvrir l’étendue de sa mainmise dans la politique.

Les montants pharaoniques alloués à la défense et/ou aux contrats de défense de tierces nations, validés en boucles perpétuelles, par les deux chambres du Sénat et du Congrès sises à Washington, en disent long.

Les sillons du magot nous transportent à l’épicentre de cette obsession américaine. Le lobby juif aussi bruyant qu’il paraît, a tout d’un Cheval de Troie dans ce monde obscur du commerce de la mort. Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, le sang des peuples opprimés du globe alimente en continu la cagnotte à conflits. Les marchands de canons accumulent des fortunes considérables grâce aux guerres qu’ils montent de toutes pièces, çà et là.

Qu’est-ce qui aurait changé depuis la nuit des temps ? Qu’est-ce qui peut faire changer ces mafieux de croque-morts qui s’enrichissent sans scrupule, de l’exploitation des uns au génocide brutal des autres ? La tendance est connue, de la Palestine aujourd’hui, à l’Ukraine en passant par Haïti hier, le Soudan, la RDC, et cetera, la méthodologie de l’obscurantisme du profit et rien que le profit à ôter à l’humanité sa corde philanthropique.

Le conflit au Moyen-Orient confirme que l’aide à Israël est en fait destinée à l’industrie de l’armement américain. Les preuves s’étalent derrière ce soutien inconditionnel à ce fameux paradoxe du “droit de se défendre” en territoire conquis par la force, malgré l’émission de mandats d’arrêt internationaux à l’encontre de hauts responsables israéliens. Cette attitude de ne reculer devant rien et ce “jusqu’au-boutisme”, dénotent la solidité d’une relation qui puise ses racines dans la décennie et ne semble point rompre. Seule une dépendance à l’argent peut entraîner de telles sensations de plaisir, une euphorie, en face duquel ces excitations font perdre le sens de la mesure, soutient la psychologie. La richesse est pourtant le poison du plaisir et la racine du souci, tel le corrobore l’état du monde présent. Les Américains ont certes perdu le bon sens de toute mesure.

L’année 1959 marque la première aide militaire américaine à Israël, à hauteur de 400 000 dollars. Dès 1966, ce soutien militaire va s’intensifier de façon exponentielle. Chaque fois qu’Israël, utilisé comme chien de garde, réussit à accomplir le sale boulot du maître au Moyen-Orient ou ailleurs, nous assistons à une augmentation massive de l’aide militaire-US.

Du soutien tacite de dictatures latino-américaines à celui de l’apartheid en Afrique du Sud, du Shah d’Iran notamment lors de la crise des otages, Israël sert de mandataire direct à l’armée américaine. Il va fournir des armes à des régimes connus pour leurs brutalités. Gouvernements que les Etats-Unis ne peuvent soutenir directement. Israël a accompagné des régimes qui écrasent les mouvements démocratiques susceptibles de remettre en question le statu quo, la domination mondiale Américaine.

Dans les années 1990, l’alibi se nomme terrorisme islamique ou fondamentalisme. Cette coopération donne le feu vert à la punition collective de millions d’Arabes musulmans. Israël ira jusqu’à intensifier sa propre oppression des Palestiniens. En bref, le soutien à Israël est au service des intérêts de la classe dirigeante américaine qui a besoin d’un allié inconditionnel pour conserver sa puissance impérialiste. Tout défi sérieux au régime d’apartheid israélien s’oppose naturellement aux USA.

Avec la guerre en Ukraine, nombreux se prêtent à ce même jeu où des industries de l’armement vont accumuler des fortunes considérables. La France, par exemple, est devenue le 2e exportateur d’armes après les Etats-Unis. Cet autre conflit a fait exploser ses ventes d’armes, ce qui expliquerait cette attitude très va-t-en guerre du président français.

Grand salon de l’armement à ciel ouvert, l’Ukraine permet de présenter une panoplie des produits du groupe Dassault : des mirages 2000, des Rafales avec tous les missiles et obus qui vont avec, le désormais célèbre canon César, les chars d’assaut. Un gros business gravite également dans l’accompagnement logistique, la formation et autres. Lockheed Martin, une des plus célèbres boîtes d’armement américaine avec ses fameux avions de combat F16, F22 et F35, a vu son chiffre d’affaires et son cours de bourse exploser. L’entreprise Oshkosh Corporation, fabricant de véhicules militaires, n’est pas en reste. Les exemples sont légion, mais, at the end of the day, finalement donc, ce sont des innocents qui par milliers sont réduits à de la chair à canon.

La mascarade prend forme lorsque des dizaines de sénateurs américains achètent des actions de ces entreprises d’armement. Dans leur pays, c’est tout à fait légal et l’information est publique. Les portefeuilles boursiers de Nancy Pelosi, de Josh Gottheimer ainsi que plein d’autres sénateurs se retrouvent bien garnis. Ces politiciens votent des crédits publics pour faire la guerre et s’enrichissent en profitant de la hausse du cours de leurs actions en bourse.

La reconstruction de l’Ukraine, estimée à 350 milliards de dollars, est aussi un terrain très juteux. Pour imager la chose, 10% des immeubles du pays qui ont été détruits représentent plus de 250 000 bâtiments : des écoles, des hôpitaux, des logements et autres. Dans ce chaos, le président Zelensky a trouvé un temps de répit pour signer un accord avec la société Blackrock, histoire de gérer toute la feuille de route de cette reconstruction. Une signature d’un cessez-le-feu aurait été tellement plus sage. Mais, de quelle légitimité avons-nous ici affaire, suite à l’expiration le 20 mai dernier de son mandat présidentiel ? Avait-il le choix ?

Qu’à cela ne tienne ! Notons que Blackrock est la plus grande société de gestion d’actifs du monde. C’est le bras financier de l’Amérique. C’est un prédateur qui est prêt à tout pour s’enrichir à milliard. En Ukraine, Blackrock a déjà fait entrer un autre prédateur dans la danse, JP Morgan, la plus grande banque américaine, ainsi que le cabinet de conseil McKinsey.

L’Ukraine est la nouvelle poule aux œufs d’or des grands de ce monde. Les centaines de milliers d’Ukrainiens qui sont déjà morts ou qui vont mourir, rappellent tous les opprimés de ce monde, encore et toujours des soldats du front à leur insu, pour enrichir quelques multinationales occidentales. Des contrats se négocient sur le bois des cercueils ukrainiens.

Dans ce monde de sicaires, la Côte d’Ivoire de feu Félix Houphouët-Boigny aurait certainement tiré son épingle du jeu. D’un doigté politique et diplomatique, de par l’accréditation des ambassadeurs d’Israël et de la Palestine en Côte d’Ivoire, le chef d’Etat d’alors avait sagement utilisé l’arme du dialogue pour faire entendre raison. « La paix n’est pas un vain mot », ne cessait-il de dire. Pour le président ivoirien Alassane Ouattara, qui se veut héritier d’Houphouët-Boigny, que vaut donc la paix sans la présence de la Russie en Suisse, au sommet sur la Paix en Ukraine auquel il a pris part en juin 2024 ?

Ce sommet, avec un des deux belligérants absent, a tout d’une mascarade. Pour les industries de l’armement, il faut trouver un brin de légitimité partout où l’occasion se présente. Mais la réalité rappelle à tous que le gouvernement américain, qui tire les ficelles, n’est pas un gouvernement qui mène des guerres non-stop. Il est une guerre non-stop qui dirige un gouvernement.

En effet, l’empire américain n’est pas un gouvernement national qui mène des opérations militaires sans arrêt. Il s’agit d’une opération militaire continue qui vise à diriger un gouvernement national. Les guerres ne sont pas conçues pour servir les intérêts des Etats-Unis. Les Etats-Unis ont été conçus pour servir les intérêts des guerres. Ils, en tant que pays, ne sont qu’une source de financement, de personnel, de ressources et de couverture diplomatique pour une campagne incessante visant à dominer la planète par une violence militaire massive et la menace de celle-ci.

Cette campagne n’est pas menée au profit du peuple américain ou de sa sécurité, mais au profit de l’alliance internationale lâche de ploutocrates et de gestionnaires d’empire non élus, dont la richesse et le pouvoir reposent sur un ordre mondial de violence, d’exploitation et d’extraction continues que la campagne de domination mondiale soutient. Bien que présent en marge de ce sommet, le président Alassane, trop digne, nous le savons, s’illustre bien absent de cette farce.

Par Kakou Nda

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