25-12-2024 (AfrikMonde.com) Après la Centrafrique, le Mali, le Niger et le Burkina Faso, le Sénégal et le Tchad annoncent coup sur coup leur volonté de voir l’armée française plier bagage. La tendance populaire assimile ce souhait de déménagement forcé, à une énième humiliation pour la France. A l’unanimité, la question de la souveraineté des pays de son pré-carré refait surface.
Cette information reprise en cœur, fait jubiler les panafricains de tout bord. Seulement, face à la ténacité de l’histoire, ne sont-ils pas en train de vendre la peau de l’ours avant qu’il ne soit tué ? L’Algérie, la Kanaky (Nouvelle Calédonie) et bien d’autres, qui ne parviennent pas à se défaire de l’emprise française depuis des lustres, devraient interpeller plus d’un. Qu’est-ce qui ferait donc croire, soudain, aux Africains que la France lâchera prise aussi facilement ? Déjà que ces nouvelles volontés de se débarrasser des bases militaires étrangères apparaissent plus ambiguës que fermes.
S’agissant justement de Dakar et de N’Djamena, une source diplomatique assure qu’ “ On n’est pas du tout dans le même cas qu’au Mali, au Niger et au Burkina Faso ”. En effet, si ces derniers avaient vite rompu toute relation diplomatique avec Paris après que les militaires français eurent été sommés de quitter leur territoire respectif, Sénégalais et Tchadiens, au-delà de la rhétorique, ne sembleraient guère vouloir s’en détacher totalement. En effet, le Président Diomaye Faye s’empresse de préciser que “ le délai de rigueur du départ ” de ces forces étrangères n’est pas pour l’heure fixé tandis que le gouvernement tchadien, dans son communiqué, fait en outre ressortir qu’il reste déterminé à entretenir des relations co-constructives avec la France…
Comment Emmanuel Macron pourrait-il alors être déshonoré quand ses calculs, mis à nu, lors des récents événements à l’Assemblée nationale française, en disent autrement ? En effet, les dernières législatives anticipées de juin 2024 revêtaient d’une importance capitale vis-à-vis de la solidarité internationale, ainsi que de la politique de développement. Après la défaite de son parti aux élections européennes, le Président Macron comptait influencer la composition des nouveaux élus de la chambre basse du Parlement, et par ricochet, celle du gouvernement afin de garantir ses engagements envers les enjeux mondiaux. Si la dissolution de l’Assemblée est un outil constitutionnel pour résoudre une crise institutionnelle lorsque le Parlement n’est plus représentatif, Macron calculateur, y voyait l’aubaine d’une manœuvre pour imposer un Premier ministre de son choix.
Mais, rattrapé par son impopularité, dans une ambiance de fin de règne, sans surprise, son gouvernement, dirigé par Michel Barnier, sera finalement renversé par un verdict sanglant au sein de l’hémicycle. Le président français, conséquemment livré à la vindicte populaire à souhait, ne semble avoir dit son dernier mot. Dans l’antichambre du pouvoir, il continue de bouger ses pions et des bruits autour des bases militaires implantées hors métropole, ont tout d’une cacophonie savamment orchestrée et voulue.
Cependant, la politique de la peur a tout d’un couteau à double tranchant. Si elle est arrivée à provoquer l’angoisse au sein de la population afin de faciliter l’adoption de lois, notamment sécuritaires, le rejet de son Premier ministre prouve des victoires à demi-teinte. De la réforme des retraites aux gilets jaunes, les libertés individuelles voire une hypothétique sécurité collective, les derniers instants de son quinquennat sont bien vacillants. Il apparaît pourtant plus que déterminé à transformer l’horizon politique français.
Avec l’Union européenne lui demandant de faire des économies, Emmanuel Macron a plus que besoin de la rhétorique du “ tout va mal ” pour arriver à ses fins. Ainsi, se faire, soit disant, humilier quelque part en Afrique serait une pirouette astucieuse pour galvaniser la fierté nationale et rallier l’Europe derrière lui, lui offrant un répit politiquement préprogrammé.
Du côté de Dakar, particulièrement, afin de gouverner, une dissolution de l’Assemblée nationale, vise à clarifier le jeu démocratique et à donner une majorité stable au président Bassirou Diomaye Faye, selon lui. Ainsi, cette dissolution apparemment coordonnée, rythmée et calquée sur Paris, participe évidemment à la Macronie… Élu au premier tour de la présidentielle de 2024 sur la promesse de rupture et de changement profond, le Président sénégalais fait donc de la rupture, une continuité. Panafricaniste de gauche, le voilà soudain fait héros national de la trempe des Sankara, Lumumba en s’appuyant sur le narratif de De Gaulle, qui ne voulait pas de la présence américaine sur son territoire.
Bassirou Diomaye, estime, lui aussi que la présence d’une armée étrangère sur son sol est une entrave à la souveraineté nationale. N’en déplaise, dans l’ombre d’Ousmane Sonko, il monte au créneau et prend des décisions qui mettent à mal la reconfiguration élaborée à Paris et le dispositif militaire hérité de la colonisation. Lutter contre l’impérialisme fort du slogan “ armée française, allez-y vous en ” est tellement simpliste du bout des lèvres, quoiqu’assez efficace pour encenser à nouveau des Sénégalais en attente des promesses de campagne.
Macron en profitera pour faire revenir à la maison les quelque 300 soldats stationnés au Sénégal, permettant de faire des économies et de satisfaire l’Union européenne, à qui il doit des comptes. En contrepartie, le pouvoir et l’autorité du Président sénégalais se renforcent. Dans la foulée, le massacre commis par les troupes coloniales et gendarmes français à l’encontre de tirailleurs africains, le 1er décembre 1944, au camp militaire de Thiaroye, près de Dakar, est officiellement reconnu par la France de Macron – enfin ! Derrière la mascarade, le président Faye s’enracine dans la lutte contre l’impérialisme dans un pays qui, au-dessus de tout, est la base arrière de la Françafrique. CEDEAO, UEMOA, ONU, OIF, le Sénégal demeure le cœur de tant d’instances internationales.
Ainsi, pour de nombreux observateurs, le passage rapide du duo sénégalais, de la prison au pouvoir, porte ce relent de trahison. Les nombreux voyages sur Paris de l’un, en si peu de temps, pour ceux qui disaient se débarrasser de la France, est plus que suspect.
L’armée française chassée du sol, chose qu’on veut nous faire assimiler à une douche froide sous 40°C à l’ombre, est plutôt allée s’installer plus haut pour mieux assurer la protection de sa colonie dakaroise. Ce coup de théâtre part du rapport enabling human security from space de la RAND corporation (Research ANd Development) conseillant l’armée américaine, sur des questions de défense et de sécurité ainsi que sur l’économie industrielle en général.
Sous son impulsion, une nouvelle branche de l’armée de l’air américaine – the USSF United States Space Force, a été créée le 20 décembre 2019 avec pour mission, des opérations militaires à partir de l’espace. En gros, il est désormais établi que la sécurité humaine devient un enjeu essentiel dans la stratégie de défense nationale. Le changement climatique et le terrorisme sont des éléments impactant n’importe quelle nation, il faut donc créer de nouveaux leviers pour faire face à ces défis modernes. S’y inspirant, l’armée française, pour mieux surveiller ses terres d’en haut et détecter des activités malveillantes, va envoyer des satellites dans l’espace.
Pendant que de nombreux s’extasient face à un éventuel départ dit forcé, des troupes françaises du Sénégal, le 17 août 2024, le 1er satellite sénégalais, le Gain Sat A1 est lancé dans l’espace aidé du coaching du centre spatial universitaire de Montpellier – Nîmes. La présence physique au sol des militaires français ne sera plus d’actualité dès lors où ces derniers seront désormais maîtres dans l’espace Dakarois à l’abri des regards indiscrets. « les chiens aboient, la caravane passe », dirait l’autre…
Kakou NDA
ndakakou@gmail.com
